Michel Leclerc : Tu disparaîtras en même temps que la mer : suivi de Ciels : Poésie : Noroît : 2025 : 96 pages

Cher Michel Leclerc,

Ce n’est pas là dans mes habitudes, mais une exigence aujourd’hui m’y pousse. J’écris publiquement une lettre personnelle à un auteur. Les circonstances m’y obligent. Nous vivons à l’échelle planétaire des heures bien sombres, j’en conviens, mais c’est plus petitement que la nuit jette sur nous un quasi-couvercle de cercueil. La littérature, la nôtre, la québécoise, se voit aujourd’hui mise en péril. Les médias se préoccupent peu de poésie. Les journaux lui réservent la part congrue ; revues et magazines vaillamment tentent de tenir le fort, quelques blogues font de même. Mais voilà, il me semble qu’on ne puisse pas se payer le luxe de perdre trop de plumes. Dans le magazine Nuit blanche, durant de nombreuses années, des livres d’ici et d’ailleurs ont été recensés ; de nombreux auteurs ont fait l’objet d’articles étoffés. Mais voilà, le présent est incertain, on ne sait trop si le magazine nous reviendra ou non. Cela est bien dommage.

Comme vous le savez sans doute, il m’est arrivé depuis deux ou trois ans de collaborer très régulièrement à ce magazine. Il permet aux ouvrages qui paraissent d’être commentés très peu de temps après leur arrivée en librairie. Parfois, la recension est contemporaine de la « vie active » du livre, encore en circulation. Eh bien, voilà, si tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, je parle candidement, le sort que je réserverais à votre livre verrait paraîtrait mon commentaire dans ce magazine dans les plus brefs délais, afin que lecteurs et lectrices soient avertis le plus tôt possible de l’importance de votre livre, de l’intérêt qu’il représente.

En matière de recensions, l’imprimé pèse davantage que le numérique. On peut sans doute lui accorder plus de crédibilité. Mais il faut battre le fer quand il encore chaud et c’est ce que je m’empresse de faire ici, quoique je suis convaincu que votre recueil est là pour durer, que sa vie ne saurait être passagère et qu’on prendra gravement plaisir à le lire pendant encore longtemps, car s’il est appelé un jour à disparaître, ce ne saurait être qu’en même temps que la mer, pas avant. Ah ! Je vous fais sourire. Tant mieux. Et tant qu’à sourire, je veux vous en donner une raison de plus. Sachez que la lettre que je vous écris aujourd’hui aura une suite. Si Nuit blanche, dont l’existence est aujourd’hui mise entre parenthèses, nous revient, j’entends bien soumettre à la rédaction une recension en bonne et due forme dans laquelle je ramasserai de manière plus compacte l’ensemble des propos que je veux ici même tenir. Sinon, je proposerai aux responsables de la revue Possibles un papier similaire. Pour l’heure, voici en gros mes premières impressions de lecture.

Je dis mes premières impressions, à vrai dire, ce sont davantage que des impressions et elles sont loin d’être premières. Je lis votre livre depuis quelque temps déjà. Je l’ai lu à maintes reprises et je le relirai. C’est là, n’est-ce pas, ce que l’on fait lorsqu’on est en présence d’une grande œuvre. Et puisque nous sommes ici entre nous, que nous avons tout notre temps et que les curieux et les curieuses qui liront cette lettre apprécient tout autant que vous et moi ce que l’on appelle une grande œuvre, plongeons-nous dans une des plus pages des Fleurs du mal. Une servante au grand cœur a fait écrire au poète des vers qui ne sont pas sans rapport avec ceux de votre très beau recueil.

LA SERVANTE AU GRAND CŒUR DONT VOUS ÉTIEZ JALOUSE

La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse,
Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,
Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.
Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,
Et quand Octobre souffle, émondeur des vieux arbres,
Son vent mélancolique à l’entour de leurs marbres,
Certe, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,
A dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps,
Tandis que, dévorés de noires songeries,
Sans compagnon de lit, sans bonnes causeries,
Vieux squelettes gelés travaillés par le ver,
Ils sentent s’égoutter les neiges de l’hiver
Et le siècle couler, sans qu’amis ni famille
Remplacent les lambeaux qui pendent à leur grille.

Lorsque la bûche siffle et chante, si le soir,
Calme, dans le fauteuil, je la voyais s’asseoir,
Si, par une nuit bleue et froide de décembre,
Je la trouvais tapie en un coin de ma chambre,
Grave, et venant du fond de son lit éternel
Couver l’enfant grandi de son œil maternel,
Que pourrais-je répondre à cette âme pieuse,
Voyant tomber des pleurs de sa paupière creuse ?

La servante est ici l’âme pieuse dans le souvenir de qui se recueille le poète. Le poète nourrissait à son endroit une grande affection. Sa mère à qui il s’adresse ici était moins commode, moins facilement aimable, ce en quoi elle ressemble à la mère que vos poèmes font revivre sous nos yeux. Si je vous fais relire ce poème, bien entendu, c’est que sa thématique n’est pas étrangère à celle qu’on voit à l’œuvre dans les poèmes de Tu disparaîtras en même temps que la mer. C’est aussi, et peut-être surtout, parce que les qualités littéraires de ce recueil ne sont pas sans faire songer à la poésie d’un poète comme Baudelaire. Évidemment, cette parenté ne signifie pas une ressemblance à l’identique. Du temps a passé depuis la parution du recueil de Baudelaire. On ne saurait confondre vos poèmes avec les siens. Cependant, un trait commun demeure, il y a là plus d’un trait commun à vrai dire. Le principal a, je crois, affaire à une éthique du poème, à une conception et une pratique de la littérature où il s’agit d’établir la plus étroite correspondance qui soit entre le verbe et ce que l’on pourrait appeler la chair de sa substance. Je m’explique sans doute mal ; mes mots dans leur approximation laissent filtrer ma pensée, mais ne l’expriment pas de manière assez claire. Permettez-moi de prendre le temps de la développer.

Roger Caillois dans Approches de la poésie voyait à l’œuvre chez Saint-John Perse ce qu’il qualifiait d’image « juste », « irrécusable et qualitative ». Il déplorait qu’en poésie on pût rechercher, jusqu’à l’abus et en s’y complaisant, la production d’« images in-imaginables », en somme tirées par les cheveux, ininterprétables, polysémiques au point d’en perdre toutes véritables significations. Il y a lieu de parler avec Caillois d’un certain classicisme. Je pèse mes mots, mais tiens cependant à rappeler que par classicisme l’on entend toutes de sortes de choses, parfois contradictoires. Tenons-nous-en à Valéry, lequel avançait que le classicisme est un romantisme dompté. Pour ma part, je considère que sans ce puissant romantisme (on entend aussi avec ce terme toutes de sortes de choses, parfois contradictoires), sans ce puissant romantisme, à l’œuvre justement chez un Baudelaire qui a si bien su le dompter, le classicisme n’est qu’un enrobage resserré sur une absence de propos.

Pour en revenir à Caillois, je trouve chez vous des images parfaitement imaginables, tout à fait expressives et en tous points idoines au propos que vous tenez. Ce propos, je devrais ici l’évoquer au bénéfice des lecteurs et lectrices que je convie à notre conversation. Ils le découvriront par eux-mêmes, quoiqu’il me faille tout de même ici en donner un aperçu.

Le « tu » du titre renvoie à votre mère. Décédée quand ? Nous ne le saurons pas. Votre recueil n’est pas un récit, même si par endroits, dans quelques pièces de prose surtout, vous relatez des moments, des événements, par exemple l’enterrement de votre père, l’agonie de votre beau-frère. Eux ne sont pas les personnages principaux de votre recueil, ils s’effacent derrière la présence de votre mère et l’espèce de prière que vous lui adressez. Par espèce de prière, je veux dire bien entendu que par-delà la mort vous vous adressez à elle, secouant à l’occasion ses ossements, ses cendres non sans une certaine violence, qui est celle pourrait-on dire du dévoilement d’une vérité.

La vérité, c’est que votre mère n’était pas une femme facile, qu’il a fallu qu’elle meure pour commencer à être véritablement votre mère. Une mère en retard sur sa maternité. Une maternité qu’elle devra finalement à une ultime réconciliation : « J’étais ton fils dès ma naissance / tu fus ma mère le jour de ta mort. » C’est là le début du deuxième poème. À dire vrai, ce n’est qu’au terme du deuil, en tout cas seulement vers la toute fin du recueil (je ne parle pas ici de Ciels, la deuxième partie de l’ouvrage) que le fils sera parvenu à faire la paix en son âme. Sa parole intérieure, fêlée, sa pensée tout aussi troublée, ne connaîtront d’apaisement qu’en traversant l’épreuve des souvenirs ressassés et grâce aux discours adressés à l’absente.   

Dans l’article que je désire éventuellement consacrer à votre recueil, je devrai prendre le temps de m’arrêter à la souffrance de votre mère. Sa dureté comme une carapace se refermait sur une profonde sensibilité, sur des blessures intimes tenues secrètes. Je ne sais pas si vous avez déjà vu le chef-d’œuvre qu’a signé il y a longtemps de cela Michel Ocelot. Tiens ! Un autre Michel. Il s’agit d’un long métrage d’animation inspiré d’un conte africain. Il s’intitule Kirikou et la sorcière. Cette sorcière, très belle, est d’une incroyable méchanceté. Elle se montre impitoyable à l’endroit de son peuple. Sous le joug de cette reine, tous vivent des heures misérables. Pourquoi s’arrêter ici à cette sorcière ? C’est en raison de sa souffrance. Le petit Kirikou réalisera un exploit. Il parviendra à contourner tous les obstacles, gens armés défendant l’accès à cette reine maléfique, pour s’en approcher et lui retirer une épine qu’elle a dans le dos et qui, si mon souvenir est bon, la fait terriblement souffrir ou en tout cas est source de la haine viscérale qu’elle réserve à l’ensemble de ses sujets.

Une telle épine se trouvait à mon avis chez votre mère. Il aura fallu que vous parveniez à la lui retirer, en retirant celle qui en votre for intérieur sévissait et vous interdisait d’accéder enfin à l’amour maternel. Quoiqu’il en soit, l’amour, torturé dans les premières pages, apaisé dans les dernières, est partout présent dans la première suite de votre livre. On lui doit des pages touchantes, déchirantes, lyriques, fort émouvantes. L’amour n’y meurt jamais : « ta mort a tout emporté, hormis ce qui ne meurt jamais. Ne subsiste qu’un frémissement. Tu flottes dans ma mémoire comme un second tombeau où je te tiens compagnie, sans connaître l’insensé trépas. »

En terminant, après en avoir sommairement évoqué la substance, je veux revenir à ce qu’on pourrait appeler des questions de métier, ce fameux métier où l’on remet sans cesse son ouvrage. On parle ici de l’art de tisser les mots, de telle sorte qu’ils puissent résonner en parfaite concordance avec ce qui anime le poète, avec ce qu’il cherche à dire. La forme d’un ouvrage est « parfaite » quand elle est faite sur mesure, servant le propos et le rendant à l’exactitude de ses sens. Mon cher ami, vous n’êtes pas un puriste, un parnassien éblouissant revêtant de splendeurs superfétatoires une absence de propos. On vous voit ici habité par le sentiment et l’idée, œuvrant à même le langage afin de découvrir en l’inventant, de réaliser en l’extrayant de votre âme et de votre esprit, le poème qui au plus près exprime tout cela qui vous hante et vous agite.

Le mot sur votre page ne se déploie pas, évanescent, avec la légèreté d’un pétale que le vent de l’inspiration y déposerait gratuitement de manière hasardeuse. Il y a plutôt chez vous une certaine vitalité, une gravité de sens qui le plombe, faisant peser le mot de tout son poids de sens sur la compréhension qu’en a presque immédiatement le lecteur. Chez vous, tout s’accorde, tout concorde avec la gravité du sujet. Si l’on admire la qualité intrinsèque de vos poèmes, il faudrait mettre qualité au pluriel, si nous éblouissent ces qualités formelles, c’est en grande partie parce qu’elles n’éclipsent en rien votre propos, propos qu’au contraire elles magnifient.

J’aurais encore bien d’autres choses à dire au sujet de votre recueil. Je les dirai en temps et lieu. Pour l’heure, mon intention était d’annoncer aux lecteurs et lectrices de mon blogue la parution de votre dernier livre. On le trouve actuellement en librairie ; je crois venu le temps de s’y précipiter. Votre livre fait partie de la petite poignée d’ouvrages que contiendra ma valise si un jour je décide d’aller voir ailleurs si j’y suis. Blague. Il faut bien rire. Il faut surtout impérativement lire votre dernier recueil.  

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Auteur : Daniel Guénette

Né le 21 mai 1952, Daniel Guénette est originaire de Montréal. Il a vécu la majeure partie de son existence dans l’arrondissement de Saint-Laurent. Après des études en lettres à l’Université de Montréal, où il obtient un diplôme de maîtrise en création littéraire, il enseigne la littérature au cégep de Granby. En 2011, il prend sa retraite après 34 années d’enseignement. À l’aube de la soixantaine, il renoue avec l’écriture qu’il avait cessé de pratiquer durant près de vingt ans. Il publie chez Triptyque deux recueils de poésie, Traité de l’Incertain en 2013 et Carmen quadratum en 2016, ainsi qu’un récit, L’École des Chiens, en 2015. Dans son œuvre antérieure alternaient ouvrages de poésie (3 titres au Noroît, 2 chez Triptyque) et productions romanesques (3 titres chez Triptyque). Ces ouvrages furent publiés entre 1985 et 1996. L’ensemble fut bien reçu par la critique. À l’occasion du vingtième anniversaire des éditions Triptyque, feu Réginald Martel écrivait : « Et on soupçonne que bien des éditeurs seraient ravis d’inscrire à leur catalogue, parmi quelques auteurs de Triptyque, le nom d’un Daniel Guénette, par exemple. » J. Desraspes a enchanté Jean-Roch Boivin : « Ce roman est un délicieux apéritif, robuste et délicat, son auteur un écrivain de talent et de grands moyens. » Réginald Martel parle d’un roman « qu’on dévore sans reprendre son souffle » ; il salue également la parution des romans qui suivent, se montrant surtout favorable à L’écharpe d’Iris. Pierre Salducci écrit dans Le Devoir un article élogieux sur ce roman : « L’écharpe d’Iris est une réussite, une petite musique qui nous parle de la nature humaine et qu’on n’arrive pas à oublier. Un roman magnifique, un vrai. Pas un phénomène de mode. Pas un produit branché et périssable. Mais de la littérature. Tout simplement. » L’École des Chiens, qui en 2015 marque le retour de l’auteur au récit, a été commentée par divers blogueurs, dont le poète Jacques Gauthier : « Ce beau récit du poète Daniel Guénette évoque, avec pudeur et humilité, les onze années vécues auprès de Max qu’il a dû faire euthanasier à cause d’un cancer. Ils sont rares de tels livres qui traitent si tendrement de la relation entre un homme et son animal de compagnie. Ça parle de vie et de mort, d’attachement et d’amitié, d’enfance et de solitude. » Pour sa part, Topinambulle écrit : « Dans ce très beau récit, un homme apprivoise doucement le deuil de son chien. À la manière de Rousseau, Daniel Guénette nous invite à le suivre dans ses promenades, dans les méandres de ses souvenirs, où l'évocation de l'ami fidèle nous servira de guide. ». Dominic Tardif, dans Le Devoir, 4 juillet 2015 a rendu compte chaleureusement de L’école des chiens. Il a souligné qu’avec ce récit, l’auteur avait produit « de la vraie littérature » : « Plus qu’un livre sur un maître et son animal, L’école des chiens célèbre le pouvoir de l’écriture qui, chez Daniel Guénette, n’aspire pas à remplacer l’en allé, mais bien à en continuer la vie. » Recommandé avec enthousiasme à ses téléspectateurs, L’école des chiens a fait l’objet d’un échange de cadeaux à l’émission LIRE présentée sur ARTV. À partir de 1975, l’auteur a collaboré à diverses revues de littérature à titre de poète et de critique. On a pu lire ses recensions dans la revue Mœbius. Pour l’une d’elles, l’auteur a été finaliste au Prix d’excellence de la SODEP 2016, dans la catégorie Texte d’opinion critique sur une œuvre littéraire ou artistique. Plus récemment, l’auteur a publié deux nouveaux titres en poésie, Varia au Noroît en 2018 et, à l’hiver 2023, La châtaigneraie aux Éditions de la Grenouillère. Pour ce recueil, le poète a été finaliste au Prix d’excellence du webmagazine La Métropole. Dans la recension que réserve à cet ouvrage la revue LQ, le critique Antoine Boisclair écrit: « Ce recueil émouvant, très maîtrisé du point de vue formel, témoigne d’un savoir-faire indéniable. » Le critique et poète français Pierre Perrin écrit dans sa revue trimestrielle de littérature, la revue française « Possibles », ne pas confondre avec la revue québécoise du même nom : « Daniel Guénette a le vers sûr, souvent proche de l’alexandrin, parfois très bref. Il sait restituer une vie, avec sa foudre, ses éclairs, et les moments de calme, voire de communion. La Châtaigneraie constitue un beau recueil presque filial. » Pour sa part, dans Le Ou'tam’si magazine, Nathasha Pemba déclare que « La châtaigneraie est un recueil de poésie qui a l’allure d’un hommage, d’un renouvellement du contrat amical. C’est une poésie ontologique qui va au fond des choses pour faire émerger l’être. Daniel Guénette une fois plus confirme qu’il est poète, le poète de l’amitié, le poète de l’altérité, le poète de l’éternité. » Outre ces recueils de poésie, l’auteur fait paraître quelques nouveaux romans. De Miron, Breton et le mythomane, paru en 2017 à La Grenouillère, Dominic Tardif écrit dans Le Devoir : « Chronique des glorioles imaginaires d’un grand taquin aimant (se) conter des histoires et fabuler une légendaire vie d’aventures, Miron, Breton et le mythomane est le carton d’invitation d’une fête organisée en l’honneur du mensonge auquel s’abreuve n’importe quelle forme de littérature digne de ce nom. » Pour sa part, Dédé blanc-bec reçoit dans Nuit Blanche un commentaire signé Gaétan Bélanger : « Le ton poétique empreint d’humour et de nostalgie adopté par l’auteur rend extrêmement agréable la lecture de ce roman émouvant. Il faut préciser que, tout d’abord, il est un peu déroutant de suivre les bonds fréquents de la narration dans le temps. Plus que de simples digressions, elles donnent parfois l’impression que l’auteur saute du coq à l’âne pour revenir aux mêmes événements, observés sous un angle différent. Mais on s’habitue vite à cette manière ou à ce style et on l’apprécie pour son originalité. Voilà donc un roman au texte minutieusement poli et se démarquant par sa qualité et son audace. » Vierge folle est le dernier roman de l’auteur. La recension parue dans Culture Hebdo se termine avec ces mots : « Nous vous laissons le soin de découvrir la conclusion. Excellent, est un euphémisme. On a adoré. » Ce roman, sans doute le meilleur de l’auteur, s’il a suscité l’enthousiasme de ses lecteurs n’a guère fait l’objet de recensions sérieuses. Pour des recensions sérieuses, il aura fallu attendre l’hiver 2023. Au billet d’Antoine Boisclair portant sur La châtaigneraie, se sera ajoutée dans Le Devoir une chronique de Louis Cornellier consacrée non pas à un roman ou un recueil, mais à un essai. Le journaliste y salue d’abord le travail entrepris par l’écrivain sur son blogue : « Fin lecteur de poésie, l’écrivain s’y impose comme un critique raffiné, érudit et amical dont le style, limpide et élégant, s’apparente à celui de la conversation relevée. Ces qualités en font une rareté dans le paysage littéraire québécois. » Puis, il rend compte de l’essai : « Dans Le complexe d’Orphée (Nota bene, 2023, 186 pages), l’écrivain se fait plus essayiste que critique en proposant « une manière de promenade » dans laquelle il tente « de saisir la nature de la poésie ». Fidèle à son approche modeste et exploratoire, il déambule en compagnie des poètes et penseurs qu’il aime afin de délimiter son objet, tout en cultivant le souci de ne pas l’enfermer. » Il conclut sa chronique en ces termes : « Partisan des « poèmes limpides » qui disent de « simples vérités », Guénette trouve dans la poésie un antidote « à l’endormissement de [ses] facultés » ou, comme l’écrit Valéry, un discours « chargé de plus de sens, et mêlé de plus de musique, que le langage ordinaire n’en porte et n’en peut porter ». Fénelon aurait aimé ce livre admirable. » La conclusion de l’article d’Antoine Boisclair portant sur La châtaigneraie était elle aussi plutôt réjouissante : « Romancier accompli (son dernier récit, Vierge folle, est paru en 2021 aux éditions de La Grenouillère), critique littéraire important (son blogue, intitulé Dédé blanc-bec, offre des comptes rendus très étoffés sur des publications québécoises), Daniel Guénette est aussi un poète qui mérite toute notre attention. »

9 réflexions sur « Michel Leclerc : Tu disparaîtras en même temps que la mer : suivi de Ciels : Poésie : Noroît : 2025 : 96 pages »

  1. « On vous voit ici habité par le sentiment et l’idée, œuvrant à même le langage afin de découvrir en l’inventant, de réaliser en l’extrayant de votre âme et de votre esprit, le poème qui au plus près exprime tout cela qui vous hante et vous agite. »
    Oh, et hâte de plonger dans cet ouvrage, cher Daniel! ✨❣️

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  2. Les fragments de poèmes de Michel Leclerc enrichis de ta description du conte de Michel Ocelot Kirikou et la sorcière démontrent à quel point la poésie peut être une surprenante et puissante alliée de la psychothérapie!

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    1. En ce jour de la fête des mères, tu as lu un commentaire portant sur un livre consacré à une mère. Oui, tu as raison, la poésie entretient des rapports étroits avec la psyché. Freud et toute la psychanalyse avec lui puise abondamment dans l’imaginaire des arts et des lettres.

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