Ricardo Langlois : Mille soleils : Poésie : Éditeur Poésie / Québec 2022 :

Ricardo Langlois se dépense corps et âme afin de mettre en valeur la poésie québécoise. Son engagement profond à l’endroit de nos poètes n’est un secret pour personne. Nul ne peut mettre en doute la sincérité qui anime ce chroniqueur ; sa passion est contagieuse. Il est un fervent lecteur, un infatigable commentateur de nos ouvrages de poésie. Son apport au rayonnement de nos poètes mérite amplement d’être souligné.

Nous savons que les visées de Langlois ne s’arrêtent pas à la poésie, du moins celle des autres. La sienne rassemble ses préoccupations en une gerbe de thèmes dont les principaux sont, et je les nomme sans souci de hiérarchie : la musique rock, l’amour et l’amitié, la spiritualité ainsi que la foi. Ce cocktail pourrait sembler étrange ; on croirait à tort qu’il consiste en un curieux mélange de désuétude et de modernité, de conformisme et d’originalité. S’étonner de cet apparent éclectisme, c’est à mon sens faire montre d’une relative étroitesse d’esprit.

De quelle désuétude et de quel conformisme pourrait-il s’agir ici ? Pour la plupart des esprits soi-disant éclairés, la croyance en Dieu relève aujourd’hui d’un très discutable atavisme. J’en veux pour preuve le délaissement dont sont victimes, si l’on peut dire, les œuvres d’une Rina Lasnier, d’un Fernand Ouellette ainsi que celles du regretté Jean-Marc Fréchette. On retrouve dans la poésie de chacun des anges ainsi que la figure du Christ. Cela est suffisant pour discréditer les œuvres de ces auteurs. Certes, il ne viendrait à personne l’idée d’avancer que Rina Lasnier est une poète négligeable, mais en vertu du contenu de ses poèmes, de leur thématique, de la foi dont est porteuse cette poésie, l’on s’en détourne. Ces poètes auraient commis la faute de se conformer à un dogme qui n’a plus cours. Or voici qu’à sa façon Ricardo Langlois leur emboîte le pas. Je dis bien : à sa façon.

La manière de Langlois ne peut en rien se comparer à celles des poètes mentionnés ci-haut. Sa matière même en diffère. Nous sommes loin de la majesté verbale d’une Rina Lasnier, loin des considérations mystiques et métaphysiques d’un Ouellette, loin des crèches et paysages ruraux de Fréchette — la terminologie dans les poèmes de Partition de l’ange nous replonge dans des temps anciens, elle situe le propos de l’auteur au milieu d’une campagne aux airs vieillots où l’on recourt à des bougies pour s’éclairer, où les bêtes sont logées dans l’étable, où les femmes font des travaux d’aiguille. Il n’y a pas lieu selon moi de se plaindre de cette poésie proche des santons et dont l’élévation cependant ne fait aucun doute.

Chez Langlois, la parole est tout à fait actuelle.  Le poète est notre contemporain dans sa manière de dire des choses d’aujourd’hui, qui appartiennent à notre monde et à notre culture comme en témoignent ses nombreuses références à la musique rock, à ses amis Dédé Fortin et Jimmy Bourgoing (à qui le recueil est, par ailleurs, dédié). La matière, le contenu, les anges et le Dieu vivant chez Langlois n’ont rien de passéiste. La Lumière peut s’autoriser de sa majuscule, car dans ces Mille soleils, il serait par trop limitatif de ne s’en tenir qu’à une cosmologie réaliste, celle des astronomes. Langlois a beau parler notre langue poétique moderne, il ne restreint pas son poème à une rationalisation restreinte du discours qui voudrait qu’au-delà du perceptible et du saisissable immédiat, de ce qu’empiriquement nous connaissons de notre univers, nul ne puisse s’aventurer dans le vaste domaine de Dieu et de l’infini, bref, de la Lumière.

Tout cela peut sembler compliqué, pourtant, il n’y rien d’obscur chez Langlois, pas d’ésotérisme alambiqué, aucune sophistication intellectuelle. Notre poète ne tient nul propos de théologien savant, sa poésie est simple ; son cœur est semblable à celui d’un enfant, du moins Langlois tente-t-il de se rapprocher de l’esprit d’enfance, de sa pureté, de son aérienne légèreté. 

La tendresse est le principe premier de la démarche de Langlois. Sa vie et sa poésie ne font qu’un. L’amour les alimente toutes deux. Ainsi le mot « cœur » traverse-t-il l’entièreté du recueil. Il apparaît dès le second poème : « Seul le cœur traverse la rivière ». Dans le troisième, il est écrit que « Le cœur est une plaie ». C’est que la vie est faite de joies et de souffrances. Langlois n’occulte ni les unes ni les autres. Parmi les grandes douleurs, il y a bien entendu celles des chagrins d’amour, des ruptures, des départs, dont l’ultime, celui qui emporte les êtres chers dans la mort. Un très beau poème du recueil est une lettre adressée à Dédé Fortin : « Je pense à toi souvent / Ton ombre s’enfonce / En moi / Tu es dans l’autre monde // Un oiseau est venu / Dans la mémoire au bois dormant // L’illimité de ton cœur /M’enveloppe / Me déchire // Comme jeune dieu oublié / Tu es dans les larmes / Tu es l’ange rêveur // Ô Ravissement / La poésie à la langue / De feu ».

Langlois est un amoureux, amoureux jusque dans l’amitié, amoureux de la vie, des anges et de Dieu. Son extrême sensibilité l’a conduit à la musique et à la poésie. Je dis musique. Il faut spécifier que la musique chez Langlois est affaire de guitares, de guitares électriques. Son panthéon musical réunit de grands musiciens, pour la plupart décédés, tels Jimmy Hendrix et Jim Morrison. Ce sont les musiciens rencontrés au sortir de l’enfance. Mais parler d’une enfance dont serait sorti notre poète, cela est loin d’être juste. S’il a un jour quitté l’enfance, ce fut pour y mieux revenir. En effet, l’enfance apparaît chez lui comme un bienfait grâce auquel le cœur se trouve préservé. Le cœur est le plus précieux des trésors. Parole d’évangile : « Là où est ton cœur, là est ton trésor. »  « En quête de l’éternel diamant », « La parole sacrée / Du cœur » permet à Langlois de s’approcher de la Lumière.  

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Auteur : Daniel Guénette

Né le 21 mai 1952, Daniel Guénette est originaire de Montréal. Il a vécu la majeure partie de son existence dans l’arrondissement de Saint-Laurent. Après des études en lettres à l’Université de Montréal, où il obtient un diplôme de maîtrise en création littéraire, il enseigne la littérature au cégep de Granby. En 2011, il prend sa retraite après 34 années d’enseignement. À l’aube de la soixantaine, il renoue avec l’écriture qu’il avait cessé de pratiquer durant près de vingt ans. Il publie chez Triptyque deux recueils de poésie, Traité de l’Incertain en 2013 et Carmen quadratum en 2016, ainsi qu’un récit, L’École des Chiens, en 2015. Dans son œuvre antérieure alternaient ouvrages de poésie (3 titres au Noroît, 2 chez Triptyque) et productions romanesques (3 titres chez Triptyque). Ces ouvrages furent publiés entre 1985 et 1996. L’ensemble fut bien reçu par la critique. À l’occasion du vingtième anniversaire des éditions Triptyque, feu Réginald Martel écrivait : « Et on soupçonne que bien des éditeurs seraient ravis d’inscrire à leur catalogue, parmi quelques auteurs de Triptyque, le nom d’un Daniel Guénette, par exemple. » J. Desraspes a enchanté Jean-Roch Boivin : « Ce roman est un délicieux apéritif, robuste et délicat, son auteur un écrivain de talent et de grands moyens. » Réginald Martel parle d’un roman « qu’on dévore sans reprendre son souffle » ; il salue également la parution des romans qui suivent, se montrant surtout favorable à L’écharpe d’Iris. Pierre Salducci écrit dans Le Devoir un article élogieux sur ce roman : « L’écharpe d’Iris est une réussite, une petite musique qui nous parle de la nature humaine et qu’on n’arrive pas à oublier. Un roman magnifique, un vrai. Pas un phénomène de mode. Pas un produit branché et périssable. Mais de la littérature. Tout simplement. » L’École des Chiens, qui en 2015 marque le retour de l’auteur au récit, a été commentée par divers blogueurs, dont le poète Jacques Gauthier : « Ce beau récit du poète Daniel Guénette évoque, avec pudeur et humilité, les onze années vécues auprès de Max qu’il a dû faire euthanasier à cause d’un cancer. Ils sont rares de tels livres qui traitent si tendrement de la relation entre un homme et son animal de compagnie. Ça parle de vie et de mort, d’attachement et d’amitié, d’enfance et de solitude. » Pour sa part, Topinambulle écrit : « Dans ce très beau récit, un homme apprivoise doucement le deuil de son chien. À la manière de Rousseau, Daniel Guénette nous invite à le suivre dans ses promenades, dans les méandres de ses souvenirs, où l'évocation de l'ami fidèle nous servira de guide. ». Dominic Tardif, dans Le Devoir, 4 juillet 2015 a rendu compte chaleureusement de L’école des chiens. Il a souligné qu’avec ce récit, l’auteur avait produit « de la vraie littérature » : « Plus qu’un livre sur un maître et son animal, L’école des chiens célèbre le pouvoir de l’écriture qui, chez Daniel Guénette, n’aspire pas à remplacer l’en allé, mais bien à en continuer la vie. » Recommandé avec enthousiasme à ses téléspectateurs, L’école des chiens a fait l’objet d’un échange de cadeaux à l’émission LIRE présentée sur ARTV. À partir de 1975, l’auteur a collaboré à diverses revues de littérature à titre de poète et de critique. On a pu lire ses recensions dans la revue Mœbius. Pour l’une d’elles, l’auteur a été finaliste au Prix d’excellence de la SODEP 2016, dans la catégorie Texte d’opinion critique sur une œuvre littéraire ou artistique. Plus récemment, l’auteur a publié deux nouveaux titres en poésie, Varia au Noroît en 2018 et, à l’hiver 2023, La châtaigneraie aux Éditions de la Grenouillère. Pour ce recueil, le poète a été finaliste au Prix d’excellence du webmagazine La Métropole. Dans la recension que réserve à cet ouvrage la revue LQ, le critique Antoine Boisclair écrit: « Ce recueil émouvant, très maîtrisé du point de vue formel, témoigne d’un savoir-faire indéniable. » Le critique et poète français Pierre Perrin écrit dans sa revue trimestrielle de littérature, la revue française « Possibles », ne pas confondre avec la revue québécoise du même nom : « Daniel Guénette a le vers sûr, souvent proche de l’alexandrin, parfois très bref. Il sait restituer une vie, avec sa foudre, ses éclairs, et les moments de calme, voire de communion. La Châtaigneraie constitue un beau recueil presque filial. » Pour sa part, dans Le Ou'tam’si magazine, Nathasha Pemba déclare que « La châtaigneraie est un recueil de poésie qui a l’allure d’un hommage, d’un renouvellement du contrat amical. C’est une poésie ontologique qui va au fond des choses pour faire émerger l’être. Daniel Guénette une fois plus confirme qu’il est poète, le poète de l’amitié, le poète de l’altérité, le poète de l’éternité. » Outre ces recueils de poésie, l’auteur fait paraître quelques nouveaux romans. De Miron, Breton et le mythomane, paru en 2017 à La Grenouillère, Dominic Tardif écrit dans Le Devoir : « Chronique des glorioles imaginaires d’un grand taquin aimant (se) conter des histoires et fabuler une légendaire vie d’aventures, Miron, Breton et le mythomane est le carton d’invitation d’une fête organisée en l’honneur du mensonge auquel s’abreuve n’importe quelle forme de littérature digne de ce nom. » Pour sa part, Dédé blanc-bec reçoit dans Nuit Blanche un commentaire signé Gaétan Bélanger : « Le ton poétique empreint d’humour et de nostalgie adopté par l’auteur rend extrêmement agréable la lecture de ce roman émouvant. Il faut préciser que, tout d’abord, il est un peu déroutant de suivre les bonds fréquents de la narration dans le temps. Plus que de simples digressions, elles donnent parfois l’impression que l’auteur saute du coq à l’âne pour revenir aux mêmes événements, observés sous un angle différent. Mais on s’habitue vite à cette manière ou à ce style et on l’apprécie pour son originalité. Voilà donc un roman au texte minutieusement poli et se démarquant par sa qualité et son audace. » Vierge folle est le dernier roman de l’auteur. La recension parue dans Culture Hebdo se termine avec ces mots : « Nous vous laissons le soin de découvrir la conclusion. Excellent, est un euphémisme. On a adoré. » Ce roman, sans doute le meilleur de l’auteur, s’il a suscité l’enthousiasme de ses lecteurs n’a guère fait l’objet de recensions sérieuses. Pour des recensions sérieuses, il aura fallu attendre l’hiver 2023. Au billet d’Antoine Boisclair portant sur La châtaigneraie, se sera ajoutée dans Le Devoir une chronique de Louis Cornellier consacrée non pas à un roman ou un recueil, mais à un essai. Le journaliste y salue d’abord le travail entrepris par l’écrivain sur son blogue : « Fin lecteur de poésie, l’écrivain s’y impose comme un critique raffiné, érudit et amical dont le style, limpide et élégant, s’apparente à celui de la conversation relevée. Ces qualités en font une rareté dans le paysage littéraire québécois. » Puis, il rend compte de l’essai : « Dans Le complexe d’Orphée (Nota bene, 2023, 186 pages), l’écrivain se fait plus essayiste que critique en proposant « une manière de promenade » dans laquelle il tente « de saisir la nature de la poésie ». Fidèle à son approche modeste et exploratoire, il déambule en compagnie des poètes et penseurs qu’il aime afin de délimiter son objet, tout en cultivant le souci de ne pas l’enfermer. » Il conclut sa chronique en ces termes : « Partisan des « poèmes limpides » qui disent de « simples vérités », Guénette trouve dans la poésie un antidote « à l’endormissement de [ses] facultés » ou, comme l’écrit Valéry, un discours « chargé de plus de sens, et mêlé de plus de musique, que le langage ordinaire n’en porte et n’en peut porter ». Fénelon aurait aimé ce livre admirable. » La conclusion de l’article d’Antoine Boisclair portant sur La châtaigneraie était elle aussi plutôt réjouissante : « Romancier accompli (son dernier récit, Vierge folle, est paru en 2021 aux éditions de La Grenouillère), critique littéraire important (son blogue, intitulé Dédé blanc-bec, offre des comptes rendus très étoffés sur des publications québécoises), Daniel Guénette est aussi un poète qui mérite toute notre attention. »

3 réflexions sur « Ricardo Langlois : Mille soleils : Poésie : Éditeur Poésie / Québec 2022 : »

  1. J’aime bien ton courage de noter l’ombre et l’ignorance dans lesquelles sont laissés bien des poètes d’ici qui s’inspirent de leur foi chrétienne dans leurs oeuvres.

    Questionner la composition de l’air du temps et du bon ton bouscule et enrichit le regard!

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