
Un auteur éclectique parle généralement de tout et de rien en recourant aux moyens du bord, à divers procédés qu’il maîtrise plus ou moins. Aucune ligne de force ne traverse ses écrits. S’il possède une pensée, elle est volatile, fluctuante, ne prend nulle part son essor, ne se ramifie en rien. Bien entendu, il existe de brillants touche-à-tout …
Voilà qui commence plutôt mal. C’est ce qui arrive quand on ne sait pas où l’on va, ni tout à fait ce qu’on veut dire.
Ce qui m’arrête au seuil de cette chronique, c’est l’expression « ligne de force ». Avec elle, je voulais en venir à montrer qu’une idée, une idée majeure traverse et nourrit le travail d’Hamelin. Puis, il m’a semblé que les choses n’étaient sans doute pas si simples, Hamelin n’étant sans doute pas hanté par une idée fixe. Et pourtant !
Et en passant. Une correctrice que j’estime pourchasse dans mes textes les répétitions. Comme « sans doute » dans le paragraphe précédent. Moi, elles ne m’embêtent pas. Je les juge admissibles dans la mesure où elles me viennent naturellement et se trouvent par conséquent à renforcer le naturel de l’expression, ce qui contribue forcément à chasser l’artificiel, lequel revient malheureusement trop souvent au galop quand on se pique de littérature.
Je reviens à Hamelin, à son très intéressant recueil d’essais, de chroniques devrais-je dire. Si l’expression « ligne de force » signifie ce que je crois, à savoir un cheminement entrepris avec une idée assez claire de la destination qu’on a en tête, une idée que l’on veut développer, alors, oui, Hamelin propose une esthétique, voire une éthique du roman dans cet ouvrage qui est presque celui d’une vie, d’où mon insistance pour parler de « ligne ou lignes de force ».
Je crois comprendre que cette intuition me faisait commencer mon texte par l’intrusion du touche-à-tout. Elle m’a été suggérée non par un certain éclectisme écervelé, absent de la démarche d’Hamelin, mais bien par la diversité des propos de cet écrivain, par leur grande variété, le large éventail des sujets abordés, sujets dont le point commun est qu’ils sont relatifs à des romans et à l’art du roman. Bien entendu, derrière la tête j’avais l’intention de présenter Hamelin de manière à mettre en avant la vivante érudition de sa bibliothèque. Je dis « vivante érudition » afin de souligner le naturel du rapport que cet auteur entretient avec les livres, notamment les romans. Les romans le nourrissent. Il les lit et fréquente en les parcourant, en cheminant à travers eux et grâce à leur apport. Les romans l’habitent. On me dira qu’il n’y a rien là de singulier. Tous les vrais lecteurs ne font-ils pas de même ? Lecteurs, lectrices, écrivains, écrivaines lisent comme on respire. Oui, en effet. Mais écrire sur ce qu’on lit, cela se fait de diverses façons ; la manière chez Hamelin est, pour sa part, tout à fait singulière. C’est là une affaire de voix.
Certains critiques s’expriment en plongeant leur plume dans une encre blanche. Leur voix est une voix blanche. Ils s’efforcent d’atteindre le degré zéro de la voix. Autrement dit, personne ne parle vraiment à personne au sein de leurs écrits. Serait-ce dû à un idéal d’impartialité ? D’objectivité ? De science ? Chez eux, nul ne porte le savoir afin de le déposer là où nulle âme ne vive. Don ou absence de don de personne à personne.
Évidemment l’inverse souvent se produit. On voudrait savoir de quoi cela retourne, qui a écrit et en quoi consiste telle œuvre. Mais le ou la critique, loin de s’effacer, prend toute la place. L’œuvre est à ses yeux un miroir. Elle lui permet de se voir et faire valoir. Sa voix le dévoile et ne dévoile rien d’autre que lui ou elle. Mais, on me dira que je montre ici des personnages, des croquis, des caricatures. Oui, je sais. Mais, revenons à Hamelin.
Revenons à la vie des livres, à la vie de celui qui lit pour vivre et peut-être mieux vivre. J’ai parlé de la voix de cet écrivain. De la voix littéraire qu’il fait entendre dans ses essais. Vite, je dois dissiper un possible malentendu. Hamelin ne se sert pas des livres afin de consolider avec ce matériau une manière de piédestal pour lui-même. Un écrivain gonzo est un écrivain qui en nous parlant des autres ne parle au fond que de lui-même. Rien de tel chez Hamelin. Il ne faudrait pas croire qu’il voit dans les livres des autres des prétextes pour faire entendre sa voix. S’il la fait entendre, c’est plutôt pour mieux servir les livres dont il parle. S’il manifeste ainsi sa présence, c’est presque par politesse, comme le fait un hôte à l’occasion d’un heureux festin. Encore faut-il ne voir ici aucune stratégie, aucune manœuvre d’ordre rhétorique. J’insiste sur ce fait, pour cet écrivain, s’engage avec les livres un réel corps-à-corps, celui de la lecture.
La métaphore de l’ogre serait par trop hyperbolique, il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas exagéré de dire qu’Hamelin aura passé sa vie à dévorer des livres. Peu à peu, son âme et son corps seront eux-mêmes devenus des livres. C’est que la littérature est pour lui la chose la plus naturelle du monde. Il n’est donc pas farfelu d’avancer que ses lecteurs et lectrices entreront dans son recueil d’essais en ayant le sentiment d’être accueillis par quelqu’un qui leur tend une bûche et les installe de manière conviviale au coin du feu pour leur raconter de passionnantes histoires de lectures.
Les Héritiers de Don Quichotte sont divisés en sept parties. Les cinquième et sixième sont les plus volumineuses, remplissant à elles seules plus de la moitié de l’ouvrage. Mais commençons par le commencement.
L’introduction dévoile l’acte de naissance de l’écrivain et du critique. Son titre ? Une date : « 1987 ». En exergue, une phrase extraite de « Parti à Québec pour Jack Kérouac ». Elle est signée Yves Boisvert et se lit comme suit : « Là, tout le monde est jeune et la fébrilité nous mélange intelligemment. » Dans les pages de cette brève entrée en matière (pages qui racontent l’entrée en littérature de notre jeune futur romancier), retenons justement une atmosphère de fête, des haleines d’alcool, la rencontre d’Allen Ginsberg, allias Carlo Marx dans Sur la route, la présence titubante de Denis Vanier et de Josée Yvon alors que midi n’a pas encore sonné aux clochers de la Vieille-Capitale, celle également de Victor-Lévy Beaulieu. Tout cela se passait à l’occasion de la Rencontre internationale Jack Kérouac. Voilà un baptême enivrant. Tout Québécois qu’il est, était et demeurera, Hamelin, qui avait le Canuck comme héros de jeunesse, vouera, le mot est-il trop fort ? un culte à une certaine littérature américaine. Il inscrira sa propre œuvre en sol américain, cela s’entend dans sa voix.
Après cette petite entrée en matière suivent trois textes plus longs, substantiels, étoffés. Le premier est consacré à Victor-Lévy Beaulieu. Il s’intitule « Le grand homme de province ». On voit ici une subtile antithèse, une manière d’oxymore. C’est là le sort, pourrait-on dire, des écrivains et écrivaines d’ici ; s’ils sont grands, la petitesse de la pas même nation où ils en viennent à s’illustrer les condamne malgré tout à une relative infériorité. La province coupe les ailes de leur notoriété, rabaisse au ras des pâquerettes le socle de leur statue. Victor-Lévy Beaulieu est un monument enfermé dans le sous-sol d’une église paroissiale abandonnée.
Je le dis tout net, ce texte est fort impressionnant. On me reprochera d’être facilement admiratif. Cessez d’être si admirables, je cesserai d’admirer. Que voulez-vous ? Quand des idées, quand des analyses sont communiquées avec autant de finesse et de fermeté, je n’hésite pas à révérer. Ce chapitre est en soi un petit chef-d’œuvre. Il l’est évidemment en raison de la voix d’Hamelin, par la manière que lui a de construire une histoire (non ! ce n’est pas une fiction, mais c’est une histoire, celle de notre littérature, celle de nos grands romanciers et romancières souvent trop à l’étroit dans leur petite province). Hamelin sait raconter, travailler la composition de son récit. Bien entendu, et j’y reviendrai, ce que grossièrement on peut appeler le style, on ne le valorisera qu’en raison de sa parfaite adéquation au propos. Un échafaudage sophistiqué abritant une souris est un palais inutile. Mais une substance imposante, un propos signifiant, seule une construction de taille les peut mettre en valeur. C’est là justement ce qu’on trouve dans ce chapitre, que dis-je ? cela est vrai pour l’entièreté de l’ouvrage.
Dans ce chapitre, on retrouve comme protagonistes nos Hubert Aquin, Jacques Ferron, Réjean Ducharme, Victor-Lévy Beaulieu, mais aussi dans une moindre mesure Antonine Maillet et Michel Tremblay. N’oublions pas James Joyce, le géant irlandais auquel VLB consacra un immense monument textuel. La grande question que pose cet essai a trait à l’équation suivante. On la doit à François Ouellet : « Sans pays, pas de grand écrivain. » On peut la formuler autrement. Hamelin se demande pourquoi « la grande figure littéraire et historique » qu’est pour nous un Jacques Ferron demeure-t-elle celle d’« un parfait inconnu à l’étranger ? »
Les réponses qu’apporte l’essayiste sont on ne peut plus éclairantes. Elles sont d’ordre : 1) politique, 2) linguistique et 3) thématique.
Je disais être admiratif. À dire vrai, il m’arrive de taire mes nombreux bémols en matière de critique. C’est que je ne fais pas vraiment de la critique littéraire. Mais Hamelin en fait. Ce qui implique qu’il en vient à séparer le bon grain de l’ivraie. Il n’hésite pas à parler des ratages des protagonistes de l’histoire qu’il nous raconte, avec preuves à l’appui. Tel roman de Beaulieu « est écrit en vavache », tel autre, « en bébé ». Le ciel de Québec ? : « pas le chef-d’œuvre du grand romancier que Jacques Ferron, pressé de publier, déboulant aux six mois avec ses contes étirés à la sauce romanesque et ses miscellanées, ne fut jamais. »
Avant de passer au chapitre suivant, je note rapidement cet aveu de Ferron : « J’aurais préféré écrire des œuvres qui n’aient pas de caractère politique ». Voilà qui répond à une question qui ne sera adressée à notre essayiste qu’à la toute fin du volume. On verra alors ce qu’il pense de tout ça. Quel est le rôle civique de l’écrivain ? Doit-il s’engager ? Sartre se retourne dans sa tombe. On sait quelle serait sa réponse.
Dans « La tentation idyllique », l’auteur rend compte de la séduction qu’exerce sur certains écrivains l’idée d’une retraite au plus profond de la nature. Il passe en revue leurs parcours dans les sentiers de la solitude et s’arrête aux traces laissées dans leurs vies par leur désertion. Aux luttes sociales, alors que sévit le chaos, « étranger[s] au sort des nations et des empires », ils auront opté pour une vie humble vécue en pleine forêt. Hamelin retrouve cet attrait de l’éden dans différents romans. Dans Le roi des aulnes de Michel Tournier, où une cabane cachée dans la forêt est baptisée Canada par le protagoniste, dans L’insoutenable légèreté de Milan Kundera, etc. Cette grande opposition, Hamelin la décrit dans les termes suivants. Elle correspond selon lui à la « lutte entre l’ange (l’idylle) et la bête (l’Histoire) ». Il cite à ce propos Kundera : « Tant que l’homme vivait à la campagne au milieu de la nature, entouré d’animaux domestiques, dans l’étreinte des saisons et de leur répétition, il restait toujours avec lui ne serait-ce qu’un reflet de cette idylle paradisiaque. »
Mais l’écrivain qui cède à cette tentation, qui, tel le Candide de Voltaire, se réfugie dans son jardin a tôt fait de voir s’évaporer l’encre de son encrier, sa plume ne s’envole plus, son inspiration l’abandonne. Hamelin revient sur le cas de Salinger et tout particulièrement sur un roman que le long silence de l’auteur de L’Attrape-cœur a inspiré. Don DeLillo est l’auteur de ce roman. À partir du silence littéraire de l’ermite de Cornish, DeLillo invente l’histoire d’un écrivain nommé Bill Gray. Après de retentissants succès, ce dernier se tait, se terre. Il s’éclipse, cédant à la tentation de l’idylle. Son silence le conduit tout droit dans une impasse. Hamelin en déduit qu’encabanement et roman ne font pas bon ménage. « L’art du roman prospère dans les situations conflictuelles, le flux constant de l’Histoire le nourrit, là où l’idylle, qui en est la négation, le sous-alimente. »
Et le Québec dans tout ça ? Entre l’idylle et l’Histoire, quelle est la posture de nos romanciers ? Hamelin puise dans Le roman sans aventure d’Isabelle Daunais quelques constats éclairants.
Et c’est sur cette question que l’auteur poursuit sa route. Selon lui, nous, les Québécois, sommes le peuple traducteur. C’est le titre de l’essai suivant : Le peuple traducteur. La traduction, on le sait, est dans une certaine mesure l’une des spécialités de Louis Hamelin. En sa qualité de critique littéraire « appelé à couvrir le domaine des littératures des Amériques en traduction pendant une vingtaine d’années », il a, écrit-il, « vécu une forme particulière de schizophrénie linguistique. » La pensée avance en faisant des bonds, en prenant des chemins de traverse, par dérives et associations d’idées. Ainsi, notre spécialiste du roman américain (le rassemblement des chroniques qu’on lira dans la volumineuse section qui suit témoigne éloquemment de son expertise), après nous avoir bien amusés en recensant ici et là des perles de traductions idiotes (les Français ne sont pas idiots, qui traduisent la plus grande part des romans américains, mais ils rencontrent ce faisant des écueils qui révèlent l’étendue de leur incompétence), après cette petite séance de rires et de soupirs d’exaspération, Hamelin plonge le regard sur la société québécoise. Évoquant la figure tutélaire de notre bon vieux Gaston Miron, il déclare que chez nous « la réalité arrive d’abord en anglais [et que] nous sommes tous des traducteurs … »
Il y a dans cet essai un passage où il est question de la « langue littéraire » : « Je sais une chose : quand il se met à exister aussi fort dans les pages d’un livre que dans la rue, le français des auteurs d’ici se distingue autant de celui, prétendument international, qui se parle et s’écrit à Paris que la langue des écrivains étatsuniens se distingue de celle de Shakespeare. » Pour citer encore une fois Hamelin, je m’écrie « bonyeu de vindienne de tabouère », voilà qui donne à réfléchir !
Le cœur de ce gros ouvrage rassemble des écrits parus dans Le Devoir et dans d’autres publications. Douze textes composent la section intitulée « De l’utilité du chef-d’œuvre ». On en retrouve le même nombre dans la section suivante, laquelle traite d’une certaine forme de traduction, celle qui consiste à transposer la fiction romanesque en fiction présentée sur grand écran.
On aura beaucoup appris en lisant les trois gros essais du début, on aura été séduit par la pensée et le style de l’auteur. La lecture de ces textes aura été peut-être plus exigeante que celle que proposent « De l’utilité du chef-d’œuvre » et « Les films qui font écran », mais c’est là une impression due au fait que dans ceux-ci les textes sont plus courts, chacun refermé-ouvert sur des questions qui lui sont propres, mais en lien étroit cependant avec le reste de l’ouvrage. En fait, Hamelin partout dans ce livre est égal à lui-même. Nulle part il ne baisse la garde. Il reste vigilant à chaque instant, quel que soit le sujet qu’il traite ; qu’il s’agisse d’un roman ou d’un film, toujours il poursuit et développe sa pensée. C’est une pensée à laquelle nous sommes attentifs, non seulement en raison de ce qu’elle remue en nous, de connaissances nouvelles et de points de vue inédits, mais aussi parce que dans tous ces écrits il y a ce que plus haut j’ai appelé une voix. J’y reviendrai.
Puisque le temps court, je coupe court. Disons pour aller vite qu’avec « De l’utilité du chef-d’œuvre » nous sommes amenés à découvrir ou redécouvrir les univers romanesques de la plupart des grands romanciers américains. Tout cela est passionnant.
Puis vient la section intitulée « Les films qui font écran » ; voilà un bon jeu de mots. On comprend dès qu’on entame cette partie de l’ouvrage qu’il y sera question des romans à partir desquels on fait des films, de ces romans qui passent, pour le meilleur et pour le pire, du papier au grand écran. Avec ces textes, on sera conduit de fil en aiguille à une conclusion qui donne tout son sens à leur intitulé. Hamelin nous aura montré en quoi et à quoi précisément les films en viennent à faire écran, ce qu’ils cachent, ce qu’ils étouffent. On ne sera pas étonné d’apprendre que ce qui meurt dans ce passage, c’est la précieuse voix du discours narratif, c’est la présence que laisse entrevoir cette voix. Attention ! Qu’on ne méprenne pas, certains films sont « supérieurs » à la voix qui leur ont donné naissance. Ce qu’Hamelin soutient ici n’a rien à voir avec une fumeuse hiérarchie, laquelle placerait l’une ou l’autre de ces formes (cinématographique et romanesque) au sommet de la pyramide.
La conclusion du dernier texte de cette section consacrée aux rapports qu’entretiennent les romans et les films qui en sont tirés annonce la position que prendra l’auteur dans le chapitre qui clôt son ouvrage. Il écrit ici : « Face à un septième art condamné par ses millions à viser le plus grand nombre, et dont les producteurs et leurs répondants de la bureaucratie ne jurent que par les caractères et les courbes dramatiques clairement définis, peut-être existe-t-il, dans l’espace libre et incertain des profondeurs langagières où règnent l’ambivalence morale et l’ironie, un territoire que la littérature peut, et doit, défendre et préserver. »
Le dernier chapitre donne son titre au recueil. Avec « Les héritiers de Don Quichotte », on retrouve la question de l’engagement. On vient de lire plus haut que la littérature « peut et doit » défendre l’espace de liberté qu’investit et investigue la littérature. Le devoir de la littérature. Je n’en dis pas plus. Allez lire.
Le livre se termine sur une opposition. Il y aurait selon l’auteur des écrivains qui sont des romanciers et d’autres qui sont plutôt des faiseurs de romans. Je n’en dis pas plus. Il est temps de conclure.
En raison de sa voix et de tout ce qu’elle apporte ici, cet essai me comble et me réjouit. Je transcris une note prise dans une marge : « Je ne demande pas plus à la littérature. Je ne demande rien de moins. Le moins souvent me tombe des mains. Le plus se fait plutôt rare. Le livre d’Hamelin nous l’offre sur un plateau d’argent. »
Une autre note : « S’il était encore de ce monde, j’offrirais à mon vieil ami Tougas un exemplaire de ce livre. Ces deux lauréats du Prix du Gouverneur général se seraient bien entendus. Hamelin l’a reçu en 1989, Tougas en 1990. Gérald connaissait et aimait passionnément les littératures anglaises et américaines. Il écrivait lui aussi dans une langue libre et inventive faisant la part belle au naturel de l’expression. Cela exigeait de lui un énorme travail. Rien ne lui était plus étranger, au moment de se mettre à sa table d’écriture, que la perfection figée d’une langue morte. Il écrivait dans ce que Hamelin appelle un « français américain », il écrivait en québécois. Ces deux-là étaient faits pour s’entendre. Tous deux faisant entendre une voix au cœur de leurs écrits.

« la réalité arrive d’abord en anglais [et que] nous sommes tous des traducteurs … »
Je n’arrête pas d’être sous le choc de cette affirmation de Hamelin.
Elle explique parfaitement pourquoi nos écrivains et nos poètes sont des » monuments enfermés dans le sous-sol d’une église paroissiale abandonnée.»
Comment s’en sortir?
Peut-être qu’il faut s’assumer dans notre village gaulois?
Ou risquer d’aller jouer dans l’océan anglais?
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Je choisis le village. C’est un beau et grand village.
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