Milan Kundera : La vie est ailleurs : Roman : Gallimard : Folio

L’ÂGE LYRIQUE

Dans La vie est ailleurs Milan Kundera observe non sans ironie que les poètes font souvent grand cas de leur statut. Il considère que les menuisiers sont beaucoup plus humbles. Jamais un simple menuisier ne louange un compagnon en déclarant qu’il est un « vrai menuisier ».  Kundera jette un regard critique sur les poètes, sur leur tendance à idéaliser la poésie, à distinguer poètes et « vrais poètes », ces derniers portant apparemment la vocation du poète à son faîte. On les croit capables de dépasser la ligne de Karman, de décrocher la lune. Ils se disent presque dotés de tels pouvoirs. J’exagère leur exagération. Quoi qu’il en soit, la mythification pour ne pas dire la mystification dont procède leur sacralisation fait sourire le romancier, ou plutôt le fait sourciller.

Nous le savons, Valéry considère que le poète danse et ne marche pas. Pour Michel Tournier, la poésie est comparable aux objets dénichés dans une boutique d’antiquités : ils n’ont plus vocation de servir. Ayant perdu leur fonction d’usage, leur beauté seule suffit. On le voit, le poème se situe à mille lieues de ce que Sartre appelle l’empire des signes. Les mots en poésie expriment des sentiments, évoquent, suggèrent. Elle est, disait Valéry, le « langage de l’âme ». Tout cela, nous le savons. Il n’est pas mauvais de le rappeler.

On trouve chez Kundera de nombreux échos à ces lieux communs. Je dis « lieux communs » sans dévaloriser ces idées. Le roman de Kundera critique cependant de manière cinglante ces stéréotypes, ou plutôt les dérives auxquelles ceux-ci conduisent. Jaromil, personnage principal de La vie est ailleurs, est un « élu ». Le poète est un être singulier, marginal. Paradoxalement, cet original se conforme à un modèle, celui du poète moderne dont la volonté est de ne suivre aucun modèle.

Le narrateur considère que chez ce jeune poète la poésie consiste en une « fuite ascendante ». Elle lui permet de transformer ses échecs personnels en réussites verbales sublimes. Ces réussites poétiques renvoient de lui une image positive à ceux qui lisent ses vers. Kundera compare la poésie à une maison de miroirs qui réfléchissent, en la déformant, en la magnifiant, l’image du jeune poète. La poésie corrige l’image que le poète a de lui-même : avec le poème, il modifie son image intime et publique. Ses lecteurs peuvent lui attribuer une riche personnalité, croire qu’il a du caractère, qu’il est un être d’exception.

Le titre du roman est plus ou moins emprunté à Rimbaud. Si, comme le prétend l’auteur d’Une saison en enfer, la vie est absente, ceux qui se bornent à vivre dans l’ici ne vivent pas vraiment.

En ce lieu où concrètement nous sommes, l’ici est leurre et mensonge. Songeons au troupeau qu’évoque Mallarmé, à cette « litière / Où le bétail heureux des hommes est couché ».  Assurément, nous suivons aveuglément des conventions. En l’absence d’Idée, nous menons une existence à ras le sol. L’ « Azur » nargue le poète. Celui-ci est hanté par l’idéal. La vraie vie est ailleurs, pas ici.

Jaromil est un fruit précocement mûri sur la branche du symbolisme et du surréalisme. Conformément à ce que proposent ses maîtres, il veut porter son regard au-delà des contingences. À vrai dire, la théorie l’intéresse beaucoup moins que l’obtention de la gloire. Pour l’atteindre, il doit d’abord et avant tout joindre les rangs de ses idoles. Rimbaud propose une méthode. Elle fera l’affaire. Elle permettra à Jaromil de se distinguer. Grâce à elle, il sortira du lot.

On connaît la chanson. Il faut regarder ce que, règle générale, on ne parvient pas à voir. Le but ultime est l’illumination. On doit en finir avec les vieilles idéologies, il faut « changer la vie », « être résolument moderne ». L’alchimie du verbe est une panacée. Elle consiste en une sorte de magie. Le délire en est la clef de voûte. Les surréalistes évidemment puisent à la source rimbaldienne. L’automatisme qu’ils prônent emprunte à Freud, mais pour une large part, leur nouvelle méthode de création découle de Rimbaud et de Lautréamont. C’est là une page de l’histoire littéraire. Jaromil s’y abreuve. Sa démarche est sincère, mais ses motivations ne sont pas tout à fait pures. Il y a de l’arrivisme chez lui. N’entre au Temple de la Renommée que qui en gravit les marches abruptes. Le hasard y joue rarement un rôle actif, qui ferait une ombre soudainement passer sous les feux de la rampe. Il faut vouloir y trôner pour finalement y trôner. Une Emily Dickinson est l’exception confirmant la règle, tout comme Rimbaud le renégat vite désintéressé de la probable ou improbable postérité de ce qui n’était à ses yeux que de misérables poèmes. Comme l’envisageait Breton — mais l’appliquant à l’aventure « poétique » où l’entraînait l’écriture automatique, il convient pour certains de « noircir du papier, avec un louable mépris de ce qui [peut] s’ensuivre littérairement. » La quête du poète étant d’advenir à lui-même, à sa secrète vérité.

Ce que pense Rimbaud, (son éthique, son esthétique) nourrit le type de poésie que pratique Jaromil dans sa première manière. Au début, avant qu’il ne se convertisse au réalisme socialiste, l’émule du poète de sept ans, s’engageant sur les traces de l’homme aux semelles de vent, produit une poésie puisant à même la veine surréaliste.

Avec Rimbaud, l’écriture poétique conduirait à la découverte de nouveaux horizons. Le poète œuvre à l’avènement de la modernité. Or très tôt, alors qu’il a vingt ans à peine, Rimbaud se rétracte, renonce à la poésie, se moque des poètes. Ce revirement est étonnant. Nous l’avons évoqué plus haut, nous y reviendrons.

Lorsque Kundera choisit le titre de son roman, il utilise une formule attribuée à Rimbaud. « La vie est ailleurs » condense la pensée du jeune poète français. Elle a joué un rôle déterminant dans l’histoire de la poésie et de l’art moderne. Cette formule aura été pour les artistes du 20e siècle une formule de ralliement, tout comme le non moins fameux mot d’ordre, authentique celui-ci : « il faut changer la vie ». Le titre est tout indiqué pour un roman portraiturant, caricaturant diront d’aucuns, un jeune poète de la première moitié du siècle. Il convient dans la mesure où Jaromil est le clone parfait de Rimbaud.

Les points communs qui unissent ces poètes sont nombreux, à commencer par l’importance de la poésie dans leur vie.  Tous deux sont très jeunes. L’adolescence est propice aux rêveries, aux idéaux. Chez l’un et l’autre, la mère est un personnage marquant, déterminant, contre qui il faut se révolter dans le cas de Rimbaud, qu’il faut séduire ou conforter dans ses désirs de gloire dans le cas de Jaromil. Le tempérament romantique de Jaromil est moins prononcé. Chez Rimbaud, la violence est plus forte, son caractère, plus affirmé. Ajoutons l’attrait pour les soulèvements sociaux et politiques ainsi que le désir de transformer le monde, d’en finir avec un ordre établi jugé répressif et bourgeois.

Pour Kundera, l’âge lyrique correspond à l’étape de l’adolescence. L’auteur avait d’abord songé à intituler ainsi son roman. Ce titre, « L’âge lyrique » aurait établi un lien entre adolescence et poésie, aurait suggéré que l’entreprise poétique est fondamentalement immature ; ce qui n’est pas loin de rejoindre l’idée d’un Sartre pour qui le poète est un enfant. La position de Kundera est très sévère : « avec Don Quichotte et Madame Bovary […], La vie est ailleurs est peut-être l’ouvrage le plus dur à avoir jamais été écrit sur la poésie. » C’est là ce qu’affirme François Ricard, l’auteur de la postface de La vie est ailleurs.

Qu’est-ce qu’un poète ? Qu’est-ce que la poésie ? Le romancier répond à ces questions. Ses réponses n’ont pas l’heur de plaire à tout le monde. Si son roman choque, c’est sans doute parce qu’il vise dans le mille ou lève le voile sur certaines vérités.

On pourrait rappeler que le romancier a écrit un roman et non un essai, que Jaromil n’est qu’un poète parmi tant d’autres et, de surcroît, un poète fictif. En fait, Kundera a produit un ouvrage qui puise de manière éclairée dans différents chapitres de l’histoire littéraire. De sorte que ce qu’il imagine fusionne le réel et l’imaginaire. Kundera aurait pu se contenter de raconter les aventures et mésaventures de Jaromil, se borner à parler de ceux qui jouent un rôle important dans sa vie : sa mère, un peintre, une cinéaste, un poète sexagénaire et d’autres personnages. Il a plutôt choisi de redoubler l’action de son roman en établissant une série de parallélismes entre elle et les faits historiques, culturels et politiques. Il assemble des éléments qui dans les faits sont distincts. Jaromil n’est pas Rimbaud, pas Larmontov, pas Wolker, ni Schelley, ni Lautréamont. Mais en rapprochant ces personnages historiques de son personnage fictif, Kundera persuade de l’objectivité de son propos.

Qu’est-ce qu’un poète ? Qu’est-ce que la poésie ? Le roman fournit des réponses à ces questions. Elles témoignent de la vision subjective de Kundera, mais font montre également d’une certaine objectivité. Nous avons dit que Jaromil n’est pas Rimbaud, Larmontov, Wolker, Schelley ou Lautréamont ; en fait, l’auteur l’a créé à leur image et si Jaromil n’est pas réel, il est à tout le moins vraisemblable. Sur ce plan, La vie est ailleurs est un roman réaliste, richement documenté, à un point tel qu’en maints passages, il relève de l’essai.

Qu’est-ce qu’un jeune poète ?

Le jeune poète est celui qui fait la découverte des vertus magiques du verbe. Par vertus magiques, nous entendons d’abord un pouvoir de séduction. Les adultes admirent la faconde de Jaromil, ses inventions verbales, attribuant à ces dernières une grande profondeur, une grande maturité ; alors que dans les faits, l’enfant est un perroquet : il répète les paroles de son grand-père. Lorsqu’il devient adolescent, son psittacisme évolue, Jaromil imite les poèmes dont un peintre lui vante les mérites. Par vertus magiques, nous entendons surtout le pouvoir de transformation que recèlent les mots du poème : ils permettent de métamorphoser l’échec véritable en réussite imaginaire. Le jeune poète ne parvient pas à entrer dans la salle de bain où Magda est totalement nue ; il en éprouve une honte qui l’accable. Cependant, de retour dans sa chambre, il écrit un poème qui le propulse dans la réalisation fantasmée de ses désirs. Ses désirs sont pour ainsi dire matérialisés en paroles dont il peut désormais apprécier la splendeur. Le poème lui offre un exutoire, il lui permet de dépasser la trivialité du monde banal, de faire fi de ses limites. Jaromil n’a pas réellement accédé à la nudité de Magda, mais il est parvenu grâce à la poésie à tourner son échec en réussite.

Le jeune poète dans son enfance dit « des incongruités pour attirer l’attention sur lui » Il « prononce des paroles remarquables », « se donne en spectacle ». Il est solitaire, ne réussit pas à se faire d’amis, étant trop original, tandis que les autres enfants sont des brutes manquant de raffinement. Lui aime la fiction, la lecture.

Parce qu’il se sent inférieur, il se veut supérieur. Est supérieur celui qui se distingue des autres. Si au moyen de l’action je ne puis faire montre de ma supériorité, je peux à tout le moins recourir aux mots pour donner le change. Les autres alors m’admirent, me croyant investi d’un certain pouvoir. 

Le jeune poète est un être hanté par l’absolu. De manière romantique, il refuse d’admettre que la vie puisse s’arrêter à ce qui est. Dans « Existence du Symbolisme », un morceau de Variété, au sujet d’un jeune poète qu’il invente de toutes pièces, Valéry écrit : « Les réalistes lui représentent trop bien, avec une force et une obstination cruelles, ce monde même dont n’ayant fait que l’entrevoir, il ressent déjà la nausée » Le jeune poète, qu’écœure le monde réel, considère que la vraie vie se trouve ailleurs. Il est enfant de l’utopie. Comme l’écrivait La Fontaine dans « Le statuaire et la statue de Jupiter », nous pourrions dire que le jeune Jaromil « est de glace aux vérités », mais « de feu pour les mensonges. »

Qu’est-ce que la poésie ? 

La poésie selon Kundera relèverait de la magie de l’inexpérience. Le jeune poète vit sous le ciel bas et lourd, à chaque pas s’enlisant plus profondément dans la fange. Il recourt à la magie poétique afin de s’élever. Le voici albatros comme chez Baudelaire. N’ayant pas la possibilité de réaliser ses désirs, étant incapable de les faire advenir dans le monde réel, étant inexpérimenté, il recourt à la sublimation. La poésie devient un exutoire. La partie du roman intitulée « Le poète se masturbe » réfère à une pratique masturbatoire au sens propre ; mais il faut également entendre ce titre au figuré : magie de l’inexpérience, la poésie est masturbation dans le sens où elle permet de libérer le poète des pulsions qu’il ne peut autrement assouvir. Ailleurs, mais ailleurs seulement, c’est-à-dire dans son écriture poétique, il réalise ses désirs, et non seulement ses désirs érotiques.

La poésie est aussi ce qui permet au poète de se donner à lui-même ainsi qu’aux autres un visage qu’il considère comme plus essentiellement le sien propre. Par la poésie, Jaromil dépasse la honte qu’il éprouve. Il fait passer l’échec à travers le filtre alchimique du langage poétique. Ainsi, la boue triviale de son existence peut-elle, du moins à ses yeux, devenir pure, précieuse comme l’or. Dans un projet d’épilogue destiné à la seconde édition des Fleurs du Mal, Baudelaire, écrivait : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or. » Telle est l’alchimie du verbe poétique : transformation du trivial en sublime. Ce processus de transmutation relève cependant d’une certaine illusion. Oui, sur papier, par les vertus de la poésie, l’échec se trouve tourné en réussite, mais il n’en demeure pas moins que sous cette couche de mots divins l’échec demeure : la jeune domestique, Magda, un des symboles de l’idéal, reste hors de portée. Le processus de l’alchimie du verbe, Kundera le définit moins glorieusement : il parle de la poésie comme étant « le pays de l’enfance artificielle ». Ce processus correspond également à ce qu’il appelle la fuite ascendante.

Jaromil aura pratiqué d’abord une poésie débridée, libérée — c’est la poésie moderne, de type surréaliste. Puis, subissant de nouvelles influences, il épousera le credo révolutionnaire voulant que la poésie fasse la réclame des changements sociaux — il pratiquera la propagande prônée par le réalisme socialiste : poésie de slogans, de clichés révolutionnaires. Par ailleurs, la révolution étant d’avis que seule est valable et moderne une poésie versifiée, Jaromil en viendra à se plier à cette injonction, laquelle au fond est régressive puisque de moderne qu’elle aura d’abord été, sa poésie se fera conservatrice.

Aucune forme de poésie ne semble trouver grâce aux yeux de Kundera. Il condamne la poésie, « dernier repaire de Dieu » selon Ricard.

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Auteur : Daniel Guénette

Né le 21 mai 1952, Daniel Guénette est originaire de Montréal. Il a vécu la majeure partie de son existence dans l’arrondissement de Saint-Laurent. Après des études en lettres à l’Université de Montréal, où il obtient un diplôme de maîtrise en création littéraire, il enseigne la littérature au cégep de Granby. En 2011, il prend sa retraite après 34 années d’enseignement. À l’aube de la soixantaine, il renoue avec l’écriture qu’il avait cessé de pratiquer durant près de vingt ans. Il publie chez Triptyque deux recueils de poésie, Traité de l’Incertain en 2013 et Carmen quadratum en 2016, ainsi qu’un récit, L’École des Chiens, en 2015. Dans son œuvre antérieure alternaient ouvrages de poésie (3 titres au Noroît, 2 chez Triptyque) et productions romanesques (3 titres chez Triptyque). Ces ouvrages furent publiés entre 1985 et 1996. L’ensemble fut bien reçu par la critique. À l’occasion du vingtième anniversaire des éditions Triptyque, feu Réginald Martel écrivait : « Et on soupçonne que bien des éditeurs seraient ravis d’inscrire à leur catalogue, parmi quelques auteurs de Triptyque, le nom d’un Daniel Guénette, par exemple. » J. Desraspes a enchanté Jean-Roch Boivin : « Ce roman est un délicieux apéritif, robuste et délicat, son auteur un écrivain de talent et de grands moyens. » Réginald Martel parle d’un roman « qu’on dévore sans reprendre son souffle » ; il salue également la parution des romans qui suivent, se montrant surtout favorable à L’écharpe d’Iris. Pierre Salducci écrit dans Le Devoir un article élogieux sur ce roman : « L’écharpe d’Iris est une réussite, une petite musique qui nous parle de la nature humaine et qu’on n’arrive pas à oublier. Un roman magnifique, un vrai. Pas un phénomène de mode. Pas un produit branché et périssable. Mais de la littérature. Tout simplement. » L’École des Chiens, qui en 2015 marque le retour de l’auteur au récit, a été commentée par divers blogueurs, dont le poète Jacques Gauthier : « Ce beau récit du poète Daniel Guénette évoque, avec pudeur et humilité, les onze années vécues auprès de Max qu’il a dû faire euthanasier à cause d’un cancer. Ils sont rares de tels livres qui traitent si tendrement de la relation entre un homme et son animal de compagnie. Ça parle de vie et de mort, d’attachement et d’amitié, d’enfance et de solitude. » Pour sa part, Topinambulle écrit : « Dans ce très beau récit, un homme apprivoise doucement le deuil de son chien. À la manière de Rousseau, Daniel Guénette nous invite à le suivre dans ses promenades, dans les méandres de ses souvenirs, où l'évocation de l'ami fidèle nous servira de guide. ». Dominic Tardif, dans Le Devoir, 4 juillet 2015 a rendu compte chaleureusement de L’école des chiens. Il a souligné qu’avec ce récit, l’auteur avait produit « de la vraie littérature » : « Plus qu’un livre sur un maître et son animal, L’école des chiens célèbre le pouvoir de l’écriture qui, chez Daniel Guénette, n’aspire pas à remplacer l’en allé, mais bien à en continuer la vie. » Recommandé avec enthousiasme à ses téléspectateurs, L’école des chiens a fait l’objet d’un échange de cadeaux à l’émission LIRE présentée sur ARTV. À partir de 1975, l’auteur a collaboré à diverses revues de littérature à titre de poète et de critique. On a pu lire ses recensions dans la revue Mœbius. Pour l’une d’elles, l’auteur a été finaliste au Prix d’excellence de la SODEP 2016, dans la catégorie Texte d’opinion critique sur une œuvre littéraire ou artistique. Plus récemment, l’auteur a publié deux nouveaux titres en poésie, Varia au Noroît en 2018 et, à l’hiver 2023, La châtaigneraie aux Éditions de la Grenouillère. Pour ce recueil, le poète a été finaliste au Prix d’excellence du webmagazine La Métropole. Dans la recension que réserve à cet ouvrage la revue LQ, le critique Antoine Boisclair écrit: « Ce recueil émouvant, très maîtrisé du point de vue formel, témoigne d’un savoir-faire indéniable. » Le critique et poète français Pierre Perrin écrit dans sa revue trimestrielle de littérature, la revue française « Possibles », ne pas confondre avec la revue québécoise du même nom : « Daniel Guénette a le vers sûr, souvent proche de l’alexandrin, parfois très bref. Il sait restituer une vie, avec sa foudre, ses éclairs, et les moments de calme, voire de communion. La Châtaigneraie constitue un beau recueil presque filial. » Pour sa part, dans Le Ou'tam’si magazine, Nathasha Pemba déclare que « La châtaigneraie est un recueil de poésie qui a l’allure d’un hommage, d’un renouvellement du contrat amical. C’est une poésie ontologique qui va au fond des choses pour faire émerger l’être. Daniel Guénette une fois plus confirme qu’il est poète, le poète de l’amitié, le poète de l’altérité, le poète de l’éternité. » Outre ces recueils de poésie, l’auteur fait paraître quelques nouveaux romans. De Miron, Breton et le mythomane, paru en 2017 à La Grenouillère, Dominic Tardif écrit dans Le Devoir : « Chronique des glorioles imaginaires d’un grand taquin aimant (se) conter des histoires et fabuler une légendaire vie d’aventures, Miron, Breton et le mythomane est le carton d’invitation d’une fête organisée en l’honneur du mensonge auquel s’abreuve n’importe quelle forme de littérature digne de ce nom. » Pour sa part, Dédé blanc-bec reçoit dans Nuit Blanche un commentaire signé Gaétan Bélanger : « Le ton poétique empreint d’humour et de nostalgie adopté par l’auteur rend extrêmement agréable la lecture de ce roman émouvant. Il faut préciser que, tout d’abord, il est un peu déroutant de suivre les bonds fréquents de la narration dans le temps. Plus que de simples digressions, elles donnent parfois l’impression que l’auteur saute du coq à l’âne pour revenir aux mêmes événements, observés sous un angle différent. Mais on s’habitue vite à cette manière ou à ce style et on l’apprécie pour son originalité. Voilà donc un roman au texte minutieusement poli et se démarquant par sa qualité et son audace. » Vierge folle est le dernier roman de l’auteur. La recension parue dans Culture Hebdo se termine avec ces mots : « Nous vous laissons le soin de découvrir la conclusion. Excellent, est un euphémisme. On a adoré. » Ce roman, sans doute le meilleur de l’auteur, s’il a suscité l’enthousiasme de ses lecteurs n’a guère fait l’objet de recensions sérieuses. Pour des recensions sérieuses, il aura fallu attendre l’hiver 2023. Au billet d’Antoine Boisclair portant sur La châtaigneraie, se sera ajoutée dans Le Devoir une chronique de Louis Cornellier consacrée non pas à un roman ou un recueil, mais à un essai. Le journaliste y salue d’abord le travail entrepris par l’écrivain sur son blogue : « Fin lecteur de poésie, l’écrivain s’y impose comme un critique raffiné, érudit et amical dont le style, limpide et élégant, s’apparente à celui de la conversation relevée. Ces qualités en font une rareté dans le paysage littéraire québécois. » Puis, il rend compte de l’essai : « Dans Le complexe d’Orphée (Nota bene, 2023, 186 pages), l’écrivain se fait plus essayiste que critique en proposant « une manière de promenade » dans laquelle il tente « de saisir la nature de la poésie ». Fidèle à son approche modeste et exploratoire, il déambule en compagnie des poètes et penseurs qu’il aime afin de délimiter son objet, tout en cultivant le souci de ne pas l’enfermer. » Il conclut sa chronique en ces termes : « Partisan des « poèmes limpides » qui disent de « simples vérités », Guénette trouve dans la poésie un antidote « à l’endormissement de [ses] facultés » ou, comme l’écrit Valéry, un discours « chargé de plus de sens, et mêlé de plus de musique, que le langage ordinaire n’en porte et n’en peut porter ». Fénelon aurait aimé ce livre admirable. » La conclusion de l’article d’Antoine Boisclair portant sur La châtaigneraie était elle aussi plutôt réjouissante : « Romancier accompli (son dernier récit, Vierge folle, est paru en 2021 aux éditions de La Grenouillère), critique littéraire important (son blogue, intitulé Dédé blanc-bec, offre des comptes rendus très étoffés sur des publications québécoises), Daniel Guénette est aussi un poète qui mérite toute notre attention. »

9 réflexions sur « Milan Kundera : La vie est ailleurs : Roman : Gallimard : Folio »

  1. Bonjour,
    Kundera vient de passer l’arme à gauche et, en mon fort intérieur, je me suis dit que je devrais lire cet écrivain qu’on dit grand. Ce qu’il pensait de la poésie m’étonne d’un homme aussi intelligent, mais, peut-être, est-ce là le défaut de sa cuirasse. Votre article à propos de son livre vient d’éclairer ma lanterne, je m’abstiendrai.

    J’ai été ébéniste, donc menuisier en meubles, durant 25 ans et je peux confirmer que ce qu’il dit à notre sujet n’est qu’une invention de sa part. Dans ce domaine aussi il y en a des vrais et des faux.
    J’ai travaillé avec des maîtres et j’ai croisé de malheureux malhabiles qui se prenaient pour des as.
    Reconnaître la valeur de l’autre était chose non pas courante mais occasionnelle et bienvenue. Et nous savions très bien qui l’était ou pas. C’est comme pour les poètes, il y a les vrais et …ceux qui se pensent tels. Ou ceux qui croient qu’ils sont inutiles. S’ils l’étaient vraiment, il n’y en aurait pas.

    Alors la poésie n’est que le dernier repaire de Dieu, ne relèverait que de la magie de l’inexpérience,
    ce serait une alchimie masturbatoire issue d’un complexe d’infériorité et quoi encore. Bienheureux dans sa propre boue.

    Je ne sais si vous avez lu La Poésie Future de Sri Aurobindo, ou bien son poème Savitri.
    Voilà un immense poète, que Guy Lafond à traduit pendant 10 ans. Je l’ai lu et relu, j’en ai même commencé une traduction, mais quel travail. Dans le texte c’est une puissante et vibrante musique continuelle qui martèle la conscience comme rien de ce que j’ai lu auparavant. C’est une vision grandiose du monde des hommes et de l’univers.

    Quand l’obscurité s’approfondit étranglant le sein de la terre
    Et que le mental corporel de l’homme est la seul lampe allumée,
    À pas de loup, comme un voleur dans la nuit,
    Quelqu’un entrera inaperçu en sa maison.
    Une voix mal entendue parlera, l’âme obéira,
    Un pouvoir se faufilera dans la chambre intérieure du mental,
    Un charme et une douceur ouvriront les portes closes de la vie
    Et la Beauté vaincra la résistance du monde.

    Certains verront ce que nul encore ne comprend;
    Dieu grandira tandis que les hommes sages parlent et dorment;
    Car l’homme n’en connaîtra la venue qu’à son heure
    Et n’y croira qu’une fois le travail accompli.

    Sri Aurobindo
    Savitri Livre 1, Chant 4, page 55

    Voilà le dernier repaire de Dieu !

    Bien à vous

    François Breton

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    1. Bonjour François Breton,
      D’abord, je tiens à vous remercier d’avoir pris le temps de lire et commenter mon billet sur le roman de Kundera. Votre commentaire est étoffé et il se termine avec une belle suggestion de lecture. Je vous en remercie.
      Je trouve cependant dommage que mon écrit suffise à vous détourner de Kundera et de son magnifique roman. J’ai sans doute rendu compte de manière maladroite du passage où il est question de menuiserie et de poésie. Évidemment, Kundera ne réduit en rien ni le travail des ébénistes ni celui des poètes. Il est loin de mépriser la poésie, mais peut-être se méprend-il au sujet de cette dernière. Ce n’est pas à moi de le dire.
      J’ai lu ce roman au moins 3 ou 4 fois depuis sa parution. Je dois avouer qu’il a nourri mes réflexions. Jamais ne m’a-t-il détourné de ma passion pour la poésie. C’est que son auteur ne part pas en guerre contre elle. Bien entendu, il se montre très ironique, mais en son for intérieur je crois qu’il devait nourrir une certaine tendresse pour Jaromil. En tout cas, le jeune Jaromil est un poète drôlement intelligent et il est attachant.
      Vraiment, je vous conseille de lire « La vie est ailleurs ». De mon côté, grâce à vous je lirai Sri Aurobindo.
      Merci encore.
      En vous souhaitant une belle continuation d’un été dont la chaleur est pas mal inquiétante.
      D.

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      1. Bonjour Daniel,

        je ne m’attendais pas à une réponse si rapide, je vous en remercie.
        Peut-être suis allé trop loin dans mes remarques. J’ai toujours un peu de recul émotif quand j’ai l’impression d’avoir affaire avec le nihilisme. J’ignore si Milan Kundera était croyant, athée ou agnostique. Je verrai à lire ce livre en entier dans les semaines qui viennent pour m’en faire une idée,
        comment dire, plus intime.

        J’ai par contre grandement apprécié vos articles sur Fernand Ouellette. J’ai repris la lecture de ses oeuvres je possède tous ces derniers opus et, comme vous dites, à lire à petits pas journaliers.

        Tant qu’à Savitri, c’est idéalement à lire dans le texte. Mais c’est pas de la tarte. Ce n’est qu’en traduisant vers par vers, que j’en ai ressenti la puissance. Plus de 24000 vers tous en décasyllabe,
        accent tonique sur la deuxième syllabe tout du long.

        Plusieurs traductions sont disponibles sur papier ou sur la toile. Peut-être qu’au Centre Aurobindo sur St-Denis ils auraient encore celle de Guy Lafond, mais l’édition est épuisée. Un poète qui traduit un poète. Et rien sur Abebooks.

        Bonne soirée

        François

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      2. J’ignore si vous possédez « Vers l’embellie ». C’est un recueil remarquable. Si vous tombez sur le numéro d’été de Nuit blanche, soit en librairie ou à la bibliothèque, vous y découvrirez l’article que je consacre à ce recueil. Sans doute le plus beau de F. Ouellette. Portez-vous bien !

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      3. Bonjour Daniel,

        suite à votre suggestion je me suis procurer l’Embellie de Fernand Ouellette et j’ai repris la lecture
        de l’Inoubliable I. Lectures en parallèle.

        J’ai terminé l’Embellie hier. C’est un recueil très dense et, en peu de mots, il cerne de façon intense
        son angoisse et sa plongée dans les sombres abimes de la conscience.

        Je suis encore, je ne dirais pas sur le choc, mais dans le « feeling » de cette aventure qui se rattache aux grands mythes amoureux de l’occident. Il n’y a qu’à penser à Orphée et Euridice, sauf que l’Hadès est vide de la présence de Lisette et rempli de la sienne. Il projette son regard et son coeur et son âme vers les transcendances célestes pour en percer la noirceur, espérant ainsi y rejoindre sa compagne de toujours, qu’il aime inconditionnellement, la décrivant comme son phare dans la nuit.

        Les mots qu’utilise le poète, le regard qui s’est éteint, le gouffre, la mort mainte fois répétée, une mer emmurée et, sans jamais vraiment le nommer, le soleil »noir » de la dépression profonde… reflètent un deuil difficile sinon impossible qu’il veut résoudre dans le tout dernier vers:  » Je vais enfin mourir pour vraiment vivre ».

        En effet cette oeuvre est remarquable et d’une beauté terrible. Elle résume toute l’anxiété liée à la perte et l’incessant combat qu’on doit mener pour maîtriser l’angoisse qui l’accompagne…de jour
        comme de nuit.

        Je vous salue et vous remercie pour cette suggestion.

        François

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  2. Tu n’hésites pas à nous rapporter les jugements durs de Kundera à travers son avatar sur la poésie et les poètes.
    J’aime bien car, à mon avis, tu démontres ainsi ta foi dans l’authentique quête poétique, qui elle, existera toujours malgré les dérives de ses pratiquants…
    La France et le français ont accueilli un autre exilé qui est devenu encore plus grand.
    Le métissage n’a pas fini de nous transformer «l’insoutenable légèreté de notre être»…

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