Fernand Ouellette : L’Inoubliable : Chronique 1 : Poésie : Éditions de l’Hexagone : 2005 : 327 p.

« Cela s’est passé dans la nuit de la Pentecôte, un 18 mai, en l’année du centenaire de la mort de Thérèse … » Dans Le danger du divin, le poète relate l’événement. Il sera déterminant. Nous sommes en 1997. Le moment est crucial. Pour Fernand Ouellette, il s’agit d’une radicale croisée des chemins. Il y a eu un avant, il y aura désormais un après.

Dans les mois qui suivirent cet événement, Fernand Ouellette publie Au-delà du passage. Il s’agit d’un recueil de poésie. Il faudra attendre huit années avant qu’il publie à nouveau un livre de poèmes. Ce sera L’Inoubliable. Pour autant, malgré la mise en veilleuse de ses écritures poétiques, durant ce long laps de temps l’auteur se montrera prolifique. Si l’on excepte la parution de Choix de poèmes (1955-1997), une anthologie présentée par Georges Leroux, les ouvrages que Ouellette fera alors paraître auront tous trait à la foi. Déjà, un an auparavant, il avait livré son essai sur Thérèse de Lisieux. Le livre avait amorcé une longue et fructueuse collaboration avec la maison Fides. Je serai l’amour (1996) offrait alors en quelque sorte les prémices du retournement à venir.

Pour sa part, paru un an plus tard, immédiatement après cette extraordinaire nuit de la Pentecôte, Figures intérieures ne pouvait relater l’événement. Néanmoins, cet essai écrit antérieurement fournissait lui aussi par avance des éclaircissements sur la nature de la mutation profonde relatée plus tard dans Le danger du divin.  Cette mutation, le poète venait de la subir, de l’accueillir dans la joie. C’était une joie comparable à celle que Pascal avait éprouvée dans des circonstances analogues, soit celles de sa conversion. Dans son Mémorial, écrit durant cette Nuit de feu, l’auteur des Pensées s’était écrié : « Joie, joie, joie, pleurs de joie. »

L’Inoubliable fait immédiatement suite au Danger du divin. Trois années séparent les deux livres. Avec ce volumineux recueil, l’auteur renoue avec la poésie. La publication de L’Inoubliable s’échelonnera sur une période couvrant les années 2005-2007. En fait, il s’agit d’un ouvrage d’autant plus monumental qu’il est constitué de trois tomes tous aussi denses et imposants les uns que les autres. Ces tomes sont présentés comme étant des chroniques. La première chronique, celle dont il sera ici question, compte 335 pages, pour un total de 136 poèmes. Les deux autres chroniques dépassent chacune les 200 pages. C’est dire que nous avons affaire à une somme. L’aventure me paraît exceptionnelle. J’ignore si au Québec ou ailleurs d’autres poètes ont entrepris d’ériger des chantiers aussi ambitieux. À dire vrai, je parierais que non.

Huit années, donc, sans écrire ou à tout le moins sans publier de poésie, mais à consacrer ses énergies à la rédaction d’ouvrages traitant du sacré, du Royaume, de la Croix, pour tout dire, de l’expérience de Dieu. Il y a là de quoi méditer.

Ma question, en ouvrant le premier volume de l’Inoubliable portait sur le continu et le discontinu dans l’œuvre poétique de Ouellette. Y avait-il, suite à sa nuit de la Pentecôte, rupture, transformation radicale dans le propos et la manière du poète ? Je n’émettais aucune hypothèse, je ne pouvais que conjecturer. Il me semblait, du moins c’était mon intuition, que j’allais découvrir dans ce nouveau recueil un nouvel homme, un autre poète, le même, mais altéré ; que dans ses poèmes se manifesterait la récente métamorphose opérée en son être.

J’étais curieux de suivre son trajet, d’aller plus avant sur ses traces, afin de mieux saisir en quoi l’expérience de Dieu avait ou non modifié sa poétique, modifié la substance de sa poésie. En d’autres mots, la différence entre l’œuvre d’avant et celle d’après la nuit où il reçut le don de force, la différence entre le poète chrétien qu’il avait toujours été et le chrétien poète qu’il se disait être désormais était-elle véritablement marquée dans L’Inoubliable ? Et si oui, en quoi ?

À ce point-ci de mon étude, il serait prématuré de chercher à répondre à cette question. Je crois, du reste, qu’elle ne peut être posée. Du moins, à ce stade-ci de mon travail, je ne puis y répondre. Voici pourquoi. Cela nécessiterait que je puisse référer en connaissance de cause à Au-delà du passage. Ce recueil, publié en 1997, est paru sept ans après Les heures. En diffère-t-il peu ou prou ? Je ne saurais dire. Dans les extraits que fournit Choix de poèmes (1955-1997) — on compte 13 poèmes —, le poète me semble chrétien et le chrétien me semble poète. C’est dire que la continuité se manifeste à travers ce recueil autant qu’à travers les précédents et les ultérieurs.

Du reste, Les heures, sans doute le plus célébré des recueils de l’auteur, déjà tranchait sur ses œuvres antérieures, surtout celles regroupées en 1972 dans Poésie (1953-1971). Les heures étaient l’œuvre d’un homme mûr. En quoi cet ouvrage manifestait-il des différences notables avec Ici, ailleurs, la lumière (1977) et En la nuit, la mer (1981) ? Les extraits de ces œuvres figurant dans Choix de poèmes (1955-1997) manifestent-ils une évolution dans la manière du poète. Je crois que oui.

En posant ces questions, je me trouve à révéler la grande étendue de l’œuvre du poète. Or c’est une œuvre que pour ma part je pratique à rebours. J’ai beau avoir lu abondamment les poèmes de celui que j’appellerai le premier Ouellette, c’est à partir d’Où tu n’es plus, je ne suis nulle part et surtout de Vers l’embellie que j’en remonte le cours. La question, plus pertinente cette fois, serait de chercher à savoir si ces deux recueils, soit les deux derniers du poète, ont des traits communs avec L’Inoubliable et les ouvrages qui suivirent de 2005 à 2017. Pour ce qui est d’Avancées vers l’invisible, on peut affirmer que des liens solides unissent ce recueil aux œuvres dédiées à la mémoire de l’épouse du poète. Ces liens, je les ai mis en valeur dans une récente étude. Je me bornerai à y renvoyer. Il est temps maintenant d’ouvrir L’Inoubliable et d’en faire la présentation.

Sur le mode de la recension, lequel diffère passablement de celui de l’étude, il importe de mentionner les caractéristiques principales de l’ouvrage. J’en ai mentionné quelques-unes, dont ses imposantes dimensions. L’auteur de Journal dénoué rédige au début des années 2000 ses poèmes à un rythme régulier, à peu près quotidien, d’où sans doute cette appellation de chronique, laquelle renvoie à une certaine régularité dans le débit des parutions, ici dans la création des écrits. Songeons, par exemple, aux chroniques que tiennent les journalistes dans les médias. Cette assiduité favorise ce que l’on pourrait appeler la suite dans les idées, la poursuite ici d’un périple, de ce que plus tard le poète nommera « avancées » ou « trajets ». C’est moins une pensée qui se poursuit à travers ces poèmes qu’un exercice spirituel visant à témoigner des aléas du parcours. Ce parcours est fait de hauts et de bas. Dans L’Inoubliable, autant que dans les deux derniers recueils du poète alternent des moments de pierres et des moments de ciel bleu.

On l’aura compris, le poète tient ici une manière de journal. Il y consigne au jour le jour, ou peu s’en faut, ses déchirements intérieurs, les empêchements, les travers que mettent sur sa route les leurres, les illusions, les mauvais souvenirs, les désespoirs et les nombreux anéantissements qui l’abattent. Il y glorifie le faîte, la suprême embellie que célébrera son tout dernier recueil.

Le poème intitulé « Parages du désert » (page 93) commence par les vers suivants : « Je reprends des cheminements / Qui semblent obsessifs. / Je vais à nouveau vers la contrée / Possible des origines. »

Dans sa trajectoire, le poète entreprend un éternel retour à l’origine tel qu’elle se manifeste dans « la seule verticalité du bleu » (page 285). À la page 289, il écrit : « On ne réussit guère /Qu’à revenir sur soi-même / Au long de jours interminables, / En se lissant bien près de l’âtre, / Loin des peurs craquantes, / Des éclats divins qui peuvent tout mettre à nu. »

Ces retours se modulent sur le modèle de l’alternance du jour et de la nuit. Chaque matin, le poète reprend sa tâche de pèlerin. Il se présente au rendez-vous que lui fixe la mer intérieure ou symbolique, laquelle mer est également la mer elle-même, tel que dans l’esprit elle se présente à la mémoire. Toujours, il y retourne, afin d’honorer également les sommets les plus élevés, le soleil et les oiseaux inaugurant le processus de l’élévation. Plus que de simples « signifiants », les mots qu’emploie le poète, dont celui de « bleu », sont pour lui des réalités. Il les a entrevues dès l’enfance, dès l’origine, et à jamais fut ainsi déterminée l’espérance en lui de les atteindre enfin.

Dans ces chroniques poétiques, Ouellette ainsi que dans un journal intime noue et renoue avec « des cheminements / qui semblent obsessifs. » L’Azur mallarméen, mais ici vécu et ressenti de façon positive, le hante. On ne s’étonnera pas de le voir évoquer au jour le jour les scintillements de cet azur, tout en déplorant ce qui en l’œil (celui de sa conscience malmenée) et sous l’œil (le monde immédiat dans sa brutale matérialité) en perturbe la vision.

Ouellette tient un journal intime où le fait divers n’a aucune espèce d’importance. Il se montre très discret lorsqu’il évoque ce qu’il appelle ses heures. De sa poésie, l’anecdote est absente. « Tout était parti de quelque horreur, / D’un lointain fait divers ». On n’en saura guère davantage. Nul exhibitionnisme ici. Ouellette est un poète qui se livre entièrement, non comme je viens de le mentionner sur le mode de l’anecdote ou de la confidence, mais à travers un corps-à-corps avec le mal qui le ronge, avec la souffrance qu’il combat, car cette souffrance est un empêchement : elle lui barre la route, l’entrave, l’alourdit, tend à le paralyser, à le réduire à une forme d’empierrement.

Toujours, en lisant L’Inoubliable, nous sentons que le poète se met à nu. C’est qu’il s’abandonne entièrement à l’expression de ses tourments et de son espérance. Comprenons-nous bien, Ouellette qui entreprend d’accomplir une œuvre littéraire, s’adonne à l’écriture du poème non pour faire son portrait, non pour rédiger un poème, mais afin d’avancer spirituellement en poésie, grâce au pouvoir des mots, d’avancer vers l’invisible, dans la direction de l’embellie. Son but n’est jamais d’aménager un plaisant paysage poétique, pas d’offrir un bel objet esthétique rehaussé d’ornements subtils — la beauté du poème venant de surcroît. Le poème, chez lui, est un acte de création réfléchie offrant un miroir de mots où apparaît le poète, osons le dire, tel qu’en lui-même. Le miroir des chroniques nous donne à voir l’homme, mais cette entreprise n’a rien de narcissique. Ce n’est pas pour se montrer que Ouellette écrit de la poésie, pas pour se révéler ou dévoiler ses secrets. Si dans son écriture on le perçoit tout entier, si l’on sent sa présence, force est de constater que ses poèmes ont essentiellement pour but de lui permettre d’accomplir sa quête. Ils ne correspondent pas, je le rappelle, à des exercices de style, mais bel et bien à une entreprise spirituelle.

L’Inoubliable renvoie à l’origine et à la fin. Ce qui dès l’enfance a été entrevu ne peut-être oublié. Rendez-vous est fixé afin de le ressaisir là-haut dans le Très-Haut. La promesse d’avenir ressuscite la vision originelle. Voilà qui fait une bien pauvre synthèse de ce qu’évoque ce titre. Nous aurons éventuellement à revenir sur la portée d’un tel titre.

Je n’ai pas souligné suffisamment l’originalité de ce recueil. Il aurait fallu à tout le moins dire à quel point il regorge de beautés, certains passages témoignent d’une étonnante inventivité poétique. Le lecteur pressé ne remarquera peut-être pas l’ampleur de sa richesse, la hauteur des idées, la splendeur de l’écriture. Il convient de lire au jour le jour ce qui a été écrit jour après jour.   Il faut aussi garder en mémoire le début du poème intitulé « Les mots, la terre » (page 259).

Certains mots, à peine proférés,
Prennent feu. Ou s’essorent,
Choisissent le courant de ciel le plus immatériel,
Ou se taisent profond en mer,
Comme des perles attendent l’audacieux
Qui va sonder les abysses.

On aura compris que si la « magie » opère ou, si l’on préfère, si la rencontre a lieu entre nous et les mots du poète, il est aussi possible que cette communication soit brouillée. Le poème coule au fond de l’eau. Seul le lecteur audacieux en plongeant peut en raviver les perles et pierreries. Car (page 312) : « Tout mot ne peut réfléchir son cristal, / Propager sa résonance, / Que si l’oreille, le cœur s’illuminent / À son contact. »

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Auteur : Daniel Guénette

Né le 21 mai 1952, Daniel Guénette est originaire de Montréal. Il a vécu la majeure partie de son existence dans l’arrondissement de Saint-Laurent. Après des études en lettres à l’Université de Montréal, où il obtient un diplôme de maîtrise en création littéraire, il enseigne la littérature au cégep de Granby. En 2011, il prend sa retraite après 34 années d’enseignement. À l’aube de la soixantaine, il renoue avec l’écriture qu’il avait cessé de pratiquer durant près de vingt ans. Il publie chez Triptyque deux recueils de poésie, Traité de l’Incertain en 2013 et Carmen quadratum en 2016, ainsi qu’un récit, L’École des Chiens, en 2015. Dans son œuvre antérieure alternaient ouvrages de poésie (3 titres au Noroît, 2 chez Triptyque) et productions romanesques (3 titres chez Triptyque). Ces ouvrages furent publiés entre 1985 et 1996. L’ensemble fut bien reçu par la critique. À l’occasion du vingtième anniversaire des éditions Triptyque, feu Réginald Martel écrivait : « Et on soupçonne que bien des éditeurs seraient ravis d’inscrire à leur catalogue, parmi quelques auteurs de Triptyque, le nom d’un Daniel Guénette, par exemple. » J. Desraspes a enchanté Jean-Roch Boivin : « Ce roman est un délicieux apéritif, robuste et délicat, son auteur un écrivain de talent et de grands moyens. » Réginald Martel parle d’un roman « qu’on dévore sans reprendre son souffle » ; il salue également la parution des romans qui suivent, se montrant surtout favorable à L’écharpe d’Iris. Pierre Salducci écrit dans Le Devoir un article élogieux sur ce roman : « L’écharpe d’Iris est une réussite, une petite musique qui nous parle de la nature humaine et qu’on n’arrive pas à oublier. Un roman magnifique, un vrai. Pas un phénomène de mode. Pas un produit branché et périssable. Mais de la littérature. Tout simplement. » L’École des Chiens, qui en 2015 marque le retour de l’auteur au récit, a été commentée par divers blogueurs, dont le poète Jacques Gauthier : « Ce beau récit du poète Daniel Guénette évoque, avec pudeur et humilité, les onze années vécues auprès de Max qu’il a dû faire euthanasier à cause d’un cancer. Ils sont rares de tels livres qui traitent si tendrement de la relation entre un homme et son animal de compagnie. Ça parle de vie et de mort, d’attachement et d’amitié, d’enfance et de solitude. » Pour sa part, Topinambulle écrit : « Dans ce très beau récit, un homme apprivoise doucement le deuil de son chien. À la manière de Rousseau, Daniel Guénette nous invite à le suivre dans ses promenades, dans les méandres de ses souvenirs, où l'évocation de l'ami fidèle nous servira de guide. ». Dominic Tardif, dans Le Devoir, 4 juillet 2015 a rendu compte chaleureusement de L’école des chiens. Il a souligné qu’avec ce récit, l’auteur avait produit « de la vraie littérature » : « Plus qu’un livre sur un maître et son animal, L’école des chiens célèbre le pouvoir de l’écriture qui, chez Daniel Guénette, n’aspire pas à remplacer l’en allé, mais bien à en continuer la vie. » Recommandé avec enthousiasme à ses téléspectateurs, L’école des chiens a fait l’objet d’un échange de cadeaux à l’émission LIRE présentée sur ARTV. À partir de 1975, l’auteur a collaboré à diverses revues de littérature à titre de poète et de critique. On a pu lire ses recensions dans la revue Mœbius. Pour l’une d’elles, l’auteur a été finaliste au Prix d’excellence de la SODEP 2016, dans la catégorie Texte d’opinion critique sur une œuvre littéraire ou artistique. Plus récemment, l’auteur a publié deux nouveaux titres en poésie, Varia au Noroît en 2018 et, à l’hiver 2023, La châtaigneraie aux Éditions de la Grenouillère. Pour ce recueil, le poète a été finaliste au Prix d’excellence du webmagazine La Métropole. Dans la recension que réserve à cet ouvrage la revue LQ, le critique Antoine Boisclair écrit: « Ce recueil émouvant, très maîtrisé du point de vue formel, témoigne d’un savoir-faire indéniable. » Le critique et poète français Pierre Perrin écrit dans sa revue trimestrielle de littérature, la revue française « Possibles », ne pas confondre avec la revue québécoise du même nom : « Daniel Guénette a le vers sûr, souvent proche de l’alexandrin, parfois très bref. Il sait restituer une vie, avec sa foudre, ses éclairs, et les moments de calme, voire de communion. La Châtaigneraie constitue un beau recueil presque filial. » Pour sa part, dans Le Ou'tam’si magazine, Nathasha Pemba déclare que « La châtaigneraie est un recueil de poésie qui a l’allure d’un hommage, d’un renouvellement du contrat amical. C’est une poésie ontologique qui va au fond des choses pour faire émerger l’être. Daniel Guénette une fois plus confirme qu’il est poète, le poète de l’amitié, le poète de l’altérité, le poète de l’éternité. » Outre ces recueils de poésie, l’auteur fait paraître quelques nouveaux romans. De Miron, Breton et le mythomane, paru en 2017 à La Grenouillère, Dominic Tardif écrit dans Le Devoir : « Chronique des glorioles imaginaires d’un grand taquin aimant (se) conter des histoires et fabuler une légendaire vie d’aventures, Miron, Breton et le mythomane est le carton d’invitation d’une fête organisée en l’honneur du mensonge auquel s’abreuve n’importe quelle forme de littérature digne de ce nom. » Pour sa part, Dédé blanc-bec reçoit dans Nuit Blanche un commentaire signé Gaétan Bélanger : « Le ton poétique empreint d’humour et de nostalgie adopté par l’auteur rend extrêmement agréable la lecture de ce roman émouvant. Il faut préciser que, tout d’abord, il est un peu déroutant de suivre les bonds fréquents de la narration dans le temps. Plus que de simples digressions, elles donnent parfois l’impression que l’auteur saute du coq à l’âne pour revenir aux mêmes événements, observés sous un angle différent. Mais on s’habitue vite à cette manière ou à ce style et on l’apprécie pour son originalité. Voilà donc un roman au texte minutieusement poli et se démarquant par sa qualité et son audace. » Vierge folle est le dernier roman de l’auteur. La recension parue dans Culture Hebdo se termine avec ces mots : « Nous vous laissons le soin de découvrir la conclusion. Excellent, est un euphémisme. On a adoré. » Ce roman, sans doute le meilleur de l’auteur, s’il a suscité l’enthousiasme de ses lecteurs n’a guère fait l’objet de recensions sérieuses. Pour des recensions sérieuses, il aura fallu attendre l’hiver 2023. Au billet d’Antoine Boisclair portant sur La châtaigneraie, se sera ajoutée dans Le Devoir une chronique de Louis Cornellier consacrée non pas à un roman ou un recueil, mais à un essai. Le journaliste y salue d’abord le travail entrepris par l’écrivain sur son blogue : « Fin lecteur de poésie, l’écrivain s’y impose comme un critique raffiné, érudit et amical dont le style, limpide et élégant, s’apparente à celui de la conversation relevée. Ces qualités en font une rareté dans le paysage littéraire québécois. » Puis, il rend compte de l’essai : « Dans Le complexe d’Orphée (Nota bene, 2023, 186 pages), l’écrivain se fait plus essayiste que critique en proposant « une manière de promenade » dans laquelle il tente « de saisir la nature de la poésie ». Fidèle à son approche modeste et exploratoire, il déambule en compagnie des poètes et penseurs qu’il aime afin de délimiter son objet, tout en cultivant le souci de ne pas l’enfermer. » Il conclut sa chronique en ces termes : « Partisan des « poèmes limpides » qui disent de « simples vérités », Guénette trouve dans la poésie un antidote « à l’endormissement de [ses] facultés » ou, comme l’écrit Valéry, un discours « chargé de plus de sens, et mêlé de plus de musique, que le langage ordinaire n’en porte et n’en peut porter ». Fénelon aurait aimé ce livre admirable. » La conclusion de l’article d’Antoine Boisclair portant sur La châtaigneraie était elle aussi plutôt réjouissante : « Romancier accompli (son dernier récit, Vierge folle, est paru en 2021 aux éditions de La Grenouillère), critique littéraire important (son blogue, intitulé Dédé blanc-bec, offre des comptes rendus très étoffés sur des publications québécoises), Daniel Guénette est aussi un poète qui mérite toute notre attention. »

2 réflexions sur « Fernand Ouellette : L’Inoubliable : Chronique 1 : Poésie : Éditions de l’Hexagone : 2005 : 327 p. »

  1. «Seul le lecteur audacieux en plongeant peut en raviver les perles et pierreries.»
    C’est bien ce que tu es.
    Tu n’as de cesse, malgré pour moi l’aridité et la complexité de l’oeuvre, de nous vanter la beauté et l’immensité de la poésie de Ouellette.
    Sûrement un grand, qui grâce à un autre grand réussit à mieux nous atteindre.

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    1. Question de taille, je ne peux me prononcer que sur la sienne. Ouellette est effectivement un grand poète. Mon commentaire sur « Chronique ll » paraîtra dans les heures qui suivent. Merci Laurent pour ton assiduité.

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