Pierre Perrin : Des jours de pleine terre — Poésie 1969-2022 : Poésie : Éditions Al Manar : 2022 : 170 pages

La poésie paraît archaïque. Méprisée, fétu de la culture, tout la balaie dans un monde en miettes.
Pierre Perrin

La mélancolie est au chagrin ce que la soie est aux étoffes.
Pierre Perrin

Des jours de pleine terre propose un choix de poèmes. Les premiers d’entre eux remontent à plus d’une cinquantaine d’années. D’une période à l’autre, les créateurs souvent font peau neuve et changent de masques, cherchant à donner ainsi, à se donner à eux-mêmes l’illusion d’une évolution dont témoigneraient les formes successives dont se revêtent leurs écrits. On pourrait s’attendre à ce que la variété des poèmes ici réunis l’emporte sur leur unité. À mon grand étonnement, il n’en est rien ; cette anthologie personnelle n’assemble pas des pièces disparates, étrangères les unes aux autres. Entre ses poèmes se tissent plutôt des liens très étroits. C’est que malgré les aléas de l’existence, malgré les métamorphoses qu’aura connu le poète en vivant pleinement ses jours de pleine terre, il sera demeuré fidèle à un principe unitaire, celui d’une poésie toujours en quête de sens.

Le poète Pierre Perrin me paraît peu soucieux, sinon pas du tout, d’expérimenter en surface, uniquement sur le plan littéraire. Bien que la forme chez lui importe au plus haut point, il n’est pas un écrivain formaliste. Tout se passe comme si, s’emparant d’un luth qui par magie se trouvait là, tout près de son berceau, de son bercail, de l’étable de son enfance, il avait immédiatement trouvé le la, et avait su accorder son existence à ce principe que je disais tantôt unitaire. Je parle ici d’une âme traversant cet ouvrage, d’une âme, comme dans l’expression « en son âme et conscience ». Cette âme, cette conscience du poète, on les retrouve changeantes et intactes de la première à la dernière page de cette anthologie, car ici s’exprime véritablement un homme. Il s’adresse à nous, il offre un témoignage, il ouvre pour nous le grand livre de sa vie.

Cet imposant volume de poèmes est divisé en cinq parties. Comme il s’agit ici de l’ouvrage d’une vie, en toute logique, il débute par une naissance. « Naissance » est le titre du premier poème. La section initiale du recueil s’intitule « Marche à vie ». Avec les poèmes qu’elle regroupe s’entame un parcours qui ne prendra fin qu’« À la lisière de la paix ».

Voici donc un périple qui n’a rien d’ennuyant, car c’est celui d’un être passionné. Avec lui nous revivons les années cinquante du siècle dernier. Ce sont les années de sa petite enfance. Puis viennent l’adolescence avec ses troublants émois, et l’âge d’homme enfin où la présence de la femme joue un rôle capital ; l’amour-passion noue et dénoue furieusement les corps enlacés des amants, les lits de toutes les rivières débordent, les volcans entrent dans la danse. Or si les sens alors s’en donnent à cœur joie, si l’amertume parfois clôt les ébats, de grands tumultes au loin se font entendre, ceux des guerres qui font rage. Notre poète entend et voit le monde qui s’en va à vau-l’eau, qui se délite. Il prend acte, prend la parole, s’insurge et dénonce. Apaisé, à la toute fin, il salue son monde. Une tombe l’attend.

Un tel résumé ne dit à peu près rien. En réalité, le parcours de Perrin est fort commun, c’est celui de tout homme, j’allais dire de tout homme digne de ce nom, car il est des sots, et le poète ne se gêne pas pour les fustiger. Ce qui est singulier dans sa démarche, dans sa marche à vie, on le retrouve dans l’intelligence qu’il manifeste à l’endroit de son trajet de vie. Son intelligence forte et sensible sait recenser les diverses étapes de son parcours, parvient à les évoquer, à les nommer poétiquement. En ce sens, puisque la poésie n’est pas donnée à tout le monde, tous n’étant pas poète, sa parole est précieuse, qu’il sait généreusement partager, le poème étant pour lui corollaire d’un don de soi.

Or le poème de Perrin, il convient de le préciser, est d’une nature bien particulière. Notre homme est d’origine paysanne. Des paysages l’ont marqué, qui le marquent toujours. Ce sont des lieux où parmi des ruines persistent des vestiges, de vieilles maisons, des bois et des champs, des animaux de ferme qui souvent connaissent des destins tragiques après avoir égayé des enfances. On n’élève pas des porcs pour le seul plaisir de contempler le doux regard des pourceaux. Être un enfant dans les années cinquante, vivre dans un milieu rural, c’est recevoir qu’on le veuille ou non un legs, un héritage de pensées et de sentiments, tout un lot aussi d’empêchements que la très Sainte Église alimente. Cela revient à habiter du passé alors que depuis longtemps déjà se dressent dans les grandes villes de larges pans d’avenir et de modernité. Le poème de Perrin est saisissant parce qu’il fait la part belle à cet univers alors ancien, la part belle à sa dureté, non qu’il la célèbre, mais justement il ne l’évacue pas. On se croirait là-bas, non loin d’un Charleville que Rimbaud enfant délaissait pour parcourir la campagne et ses champs, pour s’arrêter à l’auberge de la Grande-Ourse et y écrire ses premiers poèmes, ceux où justement l’on voit des paysans en proie à beaucoup de misère. Ce sont chez Perrin de très puissants poèmes. Ils valent par leur contenu, par leur référent, par ce voyage que constitue cette remontée dans le temps, celui de son enfance, avec un père et une mère. De troublants poèmes sont consacrés à ces derniers. Ainsi dans le premier poème, « Naissance », alors que le poète vient au monde, nous lisons les vers suivants :

J’entends mal ; je crie à crever les tympans. J’ai froid,
Où brûlent ma narine, ma glotte. J’ai les plus grands
Maux à trouver la gorge, déjà de glace, de ma mère.

Cette mère que l’on rencontre au début du recueil, où elle prend une place importante, reviendra dans le dernier poème du recueil, celui intitulé « Salut », alors que le poète, faisant ses adieux, évoquera sa figure qui, à bien y songer, fait penser à celle du poète aux semelles de vent, ce Rimbaud dont j’ai mentionné plus haut la parenté de ses premiers vers avec ceux de Perrin.

Une scène est marquante. Dans le troisième mouvement du poème intitulé « La mère », après avoir lu ce vers : « Je ne me souviens pas de m’être assis sur ses genoux », on découvre ceux où Perrin relate une anecdote qui n’a rien d’anodin.

Elle fait abattre le chien qui n’a pas six mois,
Pour mes dix ans, car il mange trop. Seul derrière
La fenêtre de la cuisine, je le revois attaché au poteau
En face, un coup de hache lui fracasse le crâne. Le sang
Jaillit. J’éprouve la terreur, les hurlements de ma bête.
Et ma mère tire le cadavre derrière le tas de fumier.

Je cite ces vers, m’éloignant ici de mon propos, qui est de montrer l’étendue d’un legs, et réalise finalement que je m’en éloigne moins que je le craignais, car ce legs se manifeste aussi dans le retour du refoulé, le poème se terminant par cette chute : « Ce meurtre, je l’ai enfoui — et je l’ai tu — trente ans. »

Je cite ces vers, non pas uniquement afin de les relier, dans ses commencements, au parcours du poète, mais aussi, et surtout afin que l’on puisse prendre connaissance d’une autre forme de transmission, d’un savoir-faire gardé intact, et cela est chose bien rare, transmission et donc reprise, réappropriation de cela qu’on appelle le vers.

Il y a lieu de s’émerveiller. Qui parcourt à la vitesse de l’éclair le recueil de Perrin remarque cette pérennité. Une stabilité monolithique a traversé des siècles. On la croyait morte de sa belle mort. Elle renaît, plus vive que jamais. Cela se voit à l’œil nu : tous ces vers d’une même longueur, quasi réguliers, logeant dans des strophes identiques ou presque. Jusqu’à la présence, curieuse diront certains, de la majuscule en début de vers ! Atavisme ? Graine enfouie sous terre, ressuscitée, germant à nouveau ? Notre poète serait-il un barde d’antan attardé dans notre siècle ? Un peu comme l’était et le revendiquait un Brassens féru de versification ?

Ne tournons pas les pages si rapidement, ne lisons pas en surface. Les poèmes de Perrin appartiennent à notre temps et en témoignent avec une éloquence parfois empruntée à celle qui court les rues, leur registre étant parfois familier ; si bien qu’en ces vers, que jamais ne déserte la poésie, la parole est vivante, naturelle, lors même que pour atteindre un tel naturel il faut constamment ajuster son luth, voir à ce que jamais il ne désaccorde.

Quelque chose de classique opère ici dans la mesure du vers, lequel est maîtrisé jusque dans ses enjambements. Perrin connaît l’art de superposer le vers et la syntaxe, de les ajuster l’un à l’autre, de les faire aller de pair. Or cette manière qu’il a sied à son propos. Le ton qu’il emploie dans quelques poèmes est celui de la parole, je l’ai mentionné. Perrin, méditatif par endroits, occupe souvent la posture du parleur, la posture de l’homme qui s’adresse aux autres, à un groupe d’individus rassemblés pour l’entendre, quoiqu’il soit possible et souhaitable également de le lire dans l’intimité et le silence.

À dire vrai, la plupart des poèmes de ce recueil distillent un plaisir de lecture que seuls parviennent à procurer des poèmes tout à fait réussis. Ils séduisent pour diverses raisons, entre autres pour leur humanité, mais aussi et peut-être en raison du très précieux alliage qu’on y rencontre d’un propos inspirant et d’une exemplaire maîtrise de l’écriture.  

Afin de faire valoir les mérites de cette anthologie, je serais bien en peine de ne choisir qu’un seul poème parmi les nombreux qu’a réunis Perrin, des dizaines à mon sens pourraient se disputer le titre du plus beau poème. Parler de beaux poèmes, cela peut paraître curieux. On s’attend parfois à ce que les poèmes fassent du bruit, à ce qu’ils remuent profondément nos entrailles, communiquent des angoisses et des terreurs. Je ne prétends pas le contraire et ne dis surtout pas que les poèmes de Perrin sont « innocents », « insignifiants ». Il faut insister sur ce point, notre homme ne s’est jamais enfermé dans une tour d’ivoire, sa poésie n’a rien de parnassien. Si je vante chez lui les mérites de la forme, cela n’exclut en rien le fait qu’il ait quelque chose à dire, que son œuvre, en quelque sorte, à l’instar de celle d’un La Fontaine, à qui certains de ses poèmes font parfois songer (magnifiques petites fables de Perrin !) est aussi celle d’un moraliste.

Je dis que ce sont de beaux poèmes parce que l’art y est à la hauteur du propos.

La chouette et le hibou
[pardon à la science]

À André Campos Rodriguez

Par les éteules, les prairies, les couleurs de bière et de menthe,
la fraîcheur annonçait l’automne.
D’un bois près du chemin, des cris plaintifs se faisaient plus
distincts. Était-ce une bête prise au piège ?
Nous avons avancé sans bruit, à l’oreille, sous le feuillage,
dans la nuit plus profonde qu’une grotte.
Un hibou et une chouette, chacun sur sa branche, se faisaient
face, immobiles. L’un gardait les yeux fermés.
Mon fils a recueilli sans un mot une plume très fine, un brin
de soie, couleur de chêne, au sol.
Les bêtes restaient dignes, plus belles que des presse-livres,
d’une sérénité d’icônes.
Le surlendemain, l’une, recroquevillée sur la mousse à terre
avait déjà les yeux rongés par la vermine.
L’autre, sur la branche, pleurait au point qu’un chasseur,
passant par-là, bonne âme, eût abrégé son chagrin.
La semaine suivante, le bois était désert.

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Auteur : Daniel Guénette

Né le 21 mai 1952, Daniel Guénette est originaire de Montréal. Il a vécu la majeure partie de son existence dans l’arrondissement de Saint-Laurent. Après des études en lettres à l’Université de Montréal, où il obtient un diplôme de maîtrise en création littéraire, il enseigne la littérature au cégep de Granby. En 2011, il prend sa retraite après 34 années d’enseignement. À l’aube de la soixantaine, il renoue avec l’écriture qu’il avait cessé de pratiquer durant près de vingt ans. Il publie chez Triptyque deux recueils de poésie, Traité de l’Incertain en 2013 et Carmen quadratum en 2016, ainsi qu’un récit, L’École des Chiens, en 2015. Dans son œuvre antérieure alternaient ouvrages de poésie (3 titres au Noroît, 2 chez Triptyque) et productions romanesques (3 titres chez Triptyque). Ces ouvrages furent publiés entre 1985 et 1996. L’ensemble fut bien reçu par la critique. À l’occasion du vingtième anniversaire des éditions Triptyque, feu Réginald Martel écrivait : « Et on soupçonne que bien des éditeurs seraient ravis d’inscrire à leur catalogue, parmi quelques auteurs de Triptyque, le nom d’un Daniel Guénette, par exemple. » J. Desraspes a enchanté Jean-Roch Boivin : « Ce roman est un délicieux apéritif, robuste et délicat, son auteur un écrivain de talent et de grands moyens. » Réginald Martel parle d’un roman « qu’on dévore sans reprendre son souffle » ; il salue également la parution des romans qui suivent, se montrant surtout favorable à L’écharpe d’Iris. Pierre Salducci écrit dans Le Devoir un article élogieux sur ce roman : « L’écharpe d’Iris est une réussite, une petite musique qui nous parle de la nature humaine et qu’on n’arrive pas à oublier. Un roman magnifique, un vrai. Pas un phénomène de mode. Pas un produit branché et périssable. Mais de la littérature. Tout simplement. » L’École des Chiens, qui en 2015 marque le retour de l’auteur au récit, a été commentée par divers blogueurs, dont le poète Jacques Gauthier : « Ce beau récit du poète Daniel Guénette évoque, avec pudeur et humilité, les onze années vécues auprès de Max qu’il a dû faire euthanasier à cause d’un cancer. Ils sont rares de tels livres qui traitent si tendrement de la relation entre un homme et son animal de compagnie. Ça parle de vie et de mort, d’attachement et d’amitié, d’enfance et de solitude. » Pour sa part, Topinambulle écrit : « Dans ce très beau récit, un homme apprivoise doucement le deuil de son chien. À la manière de Rousseau, Daniel Guénette nous invite à le suivre dans ses promenades, dans les méandres de ses souvenirs, où l'évocation de l'ami fidèle nous servira de guide. ». Dominic Tardif, dans Le Devoir, 4 juillet 2015 a rendu compte chaleureusement de L’école des chiens. Il a souligné qu’avec ce récit, l’auteur avait produit « de la vraie littérature » : « Plus qu’un livre sur un maître et son animal, L’école des chiens célèbre le pouvoir de l’écriture qui, chez Daniel Guénette, n’aspire pas à remplacer l’en allé, mais bien à en continuer la vie. » Recommandé avec enthousiasme à ses téléspectateurs, L’école des chiens a fait l’objet d’un échange de cadeaux à l’émission LIRE présentée sur ARTV. À partir de 1975, l’auteur a collaboré à diverses revues de littérature à titre de poète et de critique. On a pu lire ses recensions dans la revue Mœbius. Pour l’une d’elles, l’auteur a été finaliste au Prix d’excellence de la SODEP 2016, dans la catégorie Texte d’opinion critique sur une œuvre littéraire ou artistique. Plus récemment, l’auteur a publié deux nouveaux titres en poésie, Varia au Noroît en 2018 et, à l’hiver 2023, La châtaigneraie aux Éditions de la Grenouillère. Pour ce recueil, le poète a été finaliste au Prix d’excellence du webmagazine La Métropole. Dans la recension que réserve à cet ouvrage la revue LQ, le critique Antoine Boisclair écrit: « Ce recueil émouvant, très maîtrisé du point de vue formel, témoigne d’un savoir-faire indéniable. » Le critique et poète français Pierre Perrin écrit dans sa revue trimestrielle de littérature, la revue française « Possibles », ne pas confondre avec la revue québécoise du même nom : « Daniel Guénette a le vers sûr, souvent proche de l’alexandrin, parfois très bref. Il sait restituer une vie, avec sa foudre, ses éclairs, et les moments de calme, voire de communion. La Châtaigneraie constitue un beau recueil presque filial. » Pour sa part, dans Le Ou'tam’si magazine, Nathasha Pemba déclare que « La châtaigneraie est un recueil de poésie qui a l’allure d’un hommage, d’un renouvellement du contrat amical. C’est une poésie ontologique qui va au fond des choses pour faire émerger l’être. Daniel Guénette une fois plus confirme qu’il est poète, le poète de l’amitié, le poète de l’altérité, le poète de l’éternité. » Outre ces recueils de poésie, l’auteur fait paraître quelques nouveaux romans. De Miron, Breton et le mythomane, paru en 2017 à La Grenouillère, Dominic Tardif écrit dans Le Devoir : « Chronique des glorioles imaginaires d’un grand taquin aimant (se) conter des histoires et fabuler une légendaire vie d’aventures, Miron, Breton et le mythomane est le carton d’invitation d’une fête organisée en l’honneur du mensonge auquel s’abreuve n’importe quelle forme de littérature digne de ce nom. » Pour sa part, Dédé blanc-bec reçoit dans Nuit Blanche un commentaire signé Gaétan Bélanger : « Le ton poétique empreint d’humour et de nostalgie adopté par l’auteur rend extrêmement agréable la lecture de ce roman émouvant. Il faut préciser que, tout d’abord, il est un peu déroutant de suivre les bonds fréquents de la narration dans le temps. Plus que de simples digressions, elles donnent parfois l’impression que l’auteur saute du coq à l’âne pour revenir aux mêmes événements, observés sous un angle différent. Mais on s’habitue vite à cette manière ou à ce style et on l’apprécie pour son originalité. Voilà donc un roman au texte minutieusement poli et se démarquant par sa qualité et son audace. » Vierge folle est le dernier roman de l’auteur. La recension parue dans Culture Hebdo se termine avec ces mots : « Nous vous laissons le soin de découvrir la conclusion. Excellent, est un euphémisme. On a adoré. » Ce roman, sans doute le meilleur de l’auteur, s’il a suscité l’enthousiasme de ses lecteurs n’a guère fait l’objet de recensions sérieuses. Pour des recensions sérieuses, il aura fallu attendre l’hiver 2023. Au billet d’Antoine Boisclair portant sur La châtaigneraie, se sera ajoutée dans Le Devoir une chronique de Louis Cornellier consacrée non pas à un roman ou un recueil, mais à un essai. Le journaliste y salue d’abord le travail entrepris par l’écrivain sur son blogue : « Fin lecteur de poésie, l’écrivain s’y impose comme un critique raffiné, érudit et amical dont le style, limpide et élégant, s’apparente à celui de la conversation relevée. Ces qualités en font une rareté dans le paysage littéraire québécois. » Puis, il rend compte de l’essai : « Dans Le complexe d’Orphée (Nota bene, 2023, 186 pages), l’écrivain se fait plus essayiste que critique en proposant « une manière de promenade » dans laquelle il tente « de saisir la nature de la poésie ». Fidèle à son approche modeste et exploratoire, il déambule en compagnie des poètes et penseurs qu’il aime afin de délimiter son objet, tout en cultivant le souci de ne pas l’enfermer. » Il conclut sa chronique en ces termes : « Partisan des « poèmes limpides » qui disent de « simples vérités », Guénette trouve dans la poésie un antidote « à l’endormissement de [ses] facultés » ou, comme l’écrit Valéry, un discours « chargé de plus de sens, et mêlé de plus de musique, que le langage ordinaire n’en porte et n’en peut porter ». Fénelon aurait aimé ce livre admirable. » La conclusion de l’article d’Antoine Boisclair portant sur La châtaigneraie était elle aussi plutôt réjouissante : « Romancier accompli (son dernier récit, Vierge folle, est paru en 2021 aux éditions de La Grenouillère), critique littéraire important (son blogue, intitulé Dédé blanc-bec, offre des comptes rendus très étoffés sur des publications québécoises), Daniel Guénette est aussi un poète qui mérite toute notre attention. »

2 réflexions sur « Pierre Perrin : Des jours de pleine terre — Poésie 1969-2022 : Poésie : Éditions Al Manar : 2022 : 170 pages »

    1. Merci Pierre. Merci Christophe.

      PIERRE PERRIN

      Il se maintient à la hauteur de ses idées. Il manifeste dans sa parole et ses écrits la tendre fermeté d’un René Char. Si d’aventure il polémique, ce n’est jamais pour prouver qu’il a raison, c’est que sa vie entière repose sur un socle de culture dont il n’aime pas qu’on bafoue les grands héritages. Le vers, par exemple, chez lui demeure le vers, pierre sculptée, travaillée musicalement. Mais jamais ne fait-il entendre un vent exempt de substance. Il salue Montaigne, et sa poésie alors se lie aux profondeurs de la philosophie. On pourrait le croire toujours sérieux, austère. Non, voyez son sourire en coin, ses yeux qui brillent et s’amusent. Pierre Perrin, qui dénonce et résiste, sait aussi célébrer la vie, le pain et le vin. On devine qu’autour de la table ses convives s’amusent follement, car ce poète bien entendu possède un excellent sens de l’humour.

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